Copenhague 2009
Les enjeux de CopenhagueEn décembre prochain, du 7 au 18, se tiendra à Copenhague la 15ème Conférence des parties (CDP) pour négocier la suite du Protocole de Kyoto. Cette Conférence est l'organe de décision de la Convention cadre des Nations Unies sur(CCNUCC), qui a été mise en place en 1992 lors du Sommet les changements climatiques de la Terre à Rio, et est entrée en vigueur en 1994. Cette Convention a deux partenaires essentiels : le Fonds pour l'environnement mondial (FEM) qui administre les fonds de la Convention visant à aider les pays en développement, et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) qui établit des rapports scientifiques et économiques sur les changements climatiques (tous les 4 ans). La déclinaison opérationnelle de la Convention est le Protocole de Kyoto, signé en 1997 mais entré en vigueur seulement en 2005 après la ratification de la Russie, alors que les Etats-Unis ne l'ont toujours pas ratifié. Ce protocole propose un calendrier de réduction des émissions de gaz à effet de serre avec des engagements de réduction pour 38 pays industrialisés (pays dit de l'annexe 1 du protocole), pour une réduction globale de 5,2% des émissions en 2012 par rapport à leur niveau de 1990. Dans ce cadre, la France devait seulement stabiliser ses émissions. Pour atteindre ses objectifs, l'Union européenne a mis en place un système de permis d'émission de gaz à effets de serre, sous forme d'un marché européen (de la finance carbone) avec au départ des allocations gratuites (!) de quotas nationaux à partir de 2005. Ce système s'est avéré totalement inefficace, notamment parce que l'allocation des quotas avait été beaucoup trop généreuse (sous l'influence des intérêts industriels, très influents à Bruxelles), ce qui a rapidement provoqué un effondrement du cours de la tonne de gaz carbonique à la « bourse » des droits d'émissions, réduisant à néant toute incitation à réduire les émissions. A Copenhague, la 15ème CDP se réunira pour négocier la suite du Protocole de Kyoto, avec plusieurs questions : - Parviendra-t-on à un accord de réduction des émissions de GES après 2012, et à quel niveau? - Quels mécanismes de régulation et de contrôle seront mis en place ? - Qui paiera ? 1.Parviendra-t-on à un accord de réduction des émissions de GES après 2012, et à quel niveau ? C'est une question essentielle. Les scenarii du GIEC sont de plus en plus pessimistes. Pour stabiliser le climat à une hausse de 2 degrés au XXIème siècle (limite après laquelle on ne sait plus «contrôler» les effets du réchauffement), le rapport 2007 du GIEC demandait une baisse de 20% des émissions de GES en 2020 et une division par 4 en 2050 (facteur 4). Lors de sa réunion de mars 2009, les scientifiques ont reconnu avoir sous-estimé certains effets : fonte des glaciers, augmentation du niveau de la mer, bactéries pergélisol, disparition des forêts tropicales humides (enchaînement systémique). Actuellement, les exigences de réduction des GES se situent à 30 à 40% en 2020 et 85 à 95% en 2050. Quelles sont les forces en présence à Copenhague ? L'UE a annoncé à Poznan en décembre 2008 accepter une baisse de 20 voire 30% des émissions en cas de négociations réussies et facteur 4 en 2050. Mais, son accord prévoit que 2/3 des «diminutions» peuvent être faites hors de l'Europe par le jeu des mécanismes de développement propre. En outre, les industries les plus polluantes (type mines de charbon en Pologne) ont obtenu des exonérations. Enfin, aucun mécanisme de sanction n'est prévu... C'est pourtant le groupe de pays le plus «avancé» dans les négociations. Les EU de Georges Bush père et fils se sont toujours opposés à tout accord sur le climat (refus de signer Rio et Kyoto car «le mode de vie américain n'est pas négociable»). Obama semble se résoudre à un accord international, avec l'espoir de créer un nouveau marché pour le green business. Dès lors, il annonce une réduction possible de 16% en 2020. Cependant, les EU préfèreraient ne pas négocier dans le cadre des Nations Unies, et tentent de faire avancer les négociations entre les pays industrialisés de l'annexe I (réunis dans un «groupe parapluie» (EU, Canada, Japon, Australie, Russie)) dans les réunions du G8, du G20, et d'une «rencontre des économies majeures sur l'énergie et le climat» créée spécifiquement pour cet objectif. Au sein des Nations Unies, les autres pays sont en effet exigeants par rapport aux pays de l'annexe I, tant sur les objectifs de réduction, que sur les moyens pour y parvenir et l'alimentation d'un fonds financier pour aider les pays en développement à faire face aux changements climatiques. Sont ainsi représentés : l'alliance des petits Etats insulaires en développement (APEID) qui va subir avant les autres les effets de la montée des mers; la Rainforest coalition (pays avec forêts pluviales qui veut faire reconnaître ses efforts pour lutter contre la déforestation et les valoriser); les 49 pays les moins avancés (PMA) ainsi que le G77-Chine (pays en développement dans lesquels se situe la Chine). Copenhague est aussi un sommet dans lequel la «société civile» est officiellement représentée. De fait, le Sommet de la Terre à Rio en 1992 a été le premier Sommet à associer ONG, acteurs politiques locaux et entreprises, aux négociations en cours. Depuis, cette participation a été progressivement formalisée. Du côté des ONG, deux réseaux internationaux sont reconnus par la CDP pour organiser la société civile lors du Sommet de Copenhague : - le «Climate Action Network» (CAN), qui regroupe 450 ONG, et est représenté en France par le collectif Ultimatum climatique : ce réseau est assez environnementaliste, consensuel, et très peu intéressé par les questions sociales; - le réseau «Climate Justice Now!», qui regroupe 160 ONG et mouvements sociaux, et dans lequel est représenté en France le collectif «Urgence climatique - justice sociale» : ce réseau est, comme son nom l'indique, plus radical et inscrit l'urgence climatique au coeur de la crise du modèle productiviste des politiques néolibérales. De l'autre côté, les entreprises sont également fortement associées. Ainsi, 200 entreprises multinationales ont créé le World business council for sustainable developpment pour lobbyiser le sommet. Elles ont institué le Global business day à Poznan en 2008 et viennent de créer le World business summit on climat change (WBSCC) qui aura toute sa place dans les négociations à Copenhague. A l'inverse, le Forum international des peuples indigènes sur le changement climatique n'est pas encore reconnu. Que va-t-il se passer à Copenhague ? Les EU ne signeront pas un accord sans engagement fort de la Chine. Cette négociation risque d'être prédominante. De fait, aucun pays n'imagine réussir un accord aussi ambitieux que les dernières recommandations du GIEC (30 à 40% en 2020 et 85 à 95% en 2050). Ainsi, le PG doit être présent dans les manifestations et appels de Copenhague en les relayant en France pour participer à la pression citoyenne sur les gouvernements. Le PG s'est d'ores et déjà prononcé pour des objectifs de 30% en 2020 et une division par 5 en 2050. 2.Quels mécanismes de régulation et de contrôle seront mis en place ? L'Union européenne a mis en place en 2005 un nouveau marché, celui des droits à polluer, avec une allocation gratuite par les Etats de quotas d'émissions à leurs grandes entreprises industrielles ou électriques, et deux mécanismes de souplesse : les MOC (mise en oeuvre conjointe) et MDP (mécanismes de développement propres). Les premiers permettent d'investir dans les pays de l'Est avec des technologies moins polluantes que la moyenne, et gagner ainsi des quotas (qui sont retirés du pays); le second permet de gagner des quotas dans les pays en développement en investissant dans des technologies dites propres. Les avantages théoriques du système sont de pouvoir fixer au niveau étatique des objectifs quantitatifs d'émission, et de laisser le marché organiser la répartition des quotas (les entreprises réduisant leurs émissions peuvent revendre leurs quotas sur le marché). Les inconvénients sont multiples: - en Europe, ce système s'est avéré totalement inefficace, notamment parce que l'allocation des quotas avait été beaucoup trop généreuse (sous l'influence des intérêts industriels, très influents à Bruxelles, et des marchandages des Etats), ce qui a rapidement provoqué un effondrement du cours de la tonne de gaz carbonique à la « bourse » des droits d'émissions, réduisant à néant toute incitation à réduire les émissions. Or fixer le «bon niveau» de quotas à distribuer au niveau mondial, pour qu'il ne soit pas trop restreint (fermeture d'entreprises) ou lâche (effondrement du prix), est encore plus complexe; -même avec une allocation initiale «réussie», le marché va organiser une volatilité des cours, totalement contre-productive pour réaliser les investissements productifs nécessaires (qui nécessitent un signal prix stable à long terme); - pour se prémunir des variations de cours, un marché de produits financiers dérivés va se développer, nouvelle opportunité pour la finance internationale, qui, après les vagues de spéculation dans l'immobilier, la net économie puis les subprimes, attend avec délectation la création de ce nouveau marché de papier...; - or les contrats «bad» ou «junk» carbon commencent déjà à proliférer, qui, comme les subprimes risquent de faire écrouler le système à tout moment. En effet, le mécanisme de développement propre offre la possibilité de créer de la monnaie carbone en montant des projets «propres» dans les pays en développement. Or ces projets sont très difficiles à évaluer quant à leurs effets réels sur la réduction des émissions de GES. On se retrouve donc déjà avec quantité de contrats pourris, soit dont les effets en termes de réduction de GES ont été surévalués, soit qui sont restés à l'état de projets et n'ont jamais été concrétisés. Ajoutons à cela l'indépendance toute contestable des organismes d'évaluation, et toutes les conditions sont réunies pour un futur tsunami financier sur le dos du climat ! Au passage, le système aura favorisé un nouveau colonialisme vert dans les pays en développement, en encourageant par le biais des MDP, des projets réservés aux industries et à l'agroindustrie capitalistes (les projets locaux, artisanaux ou traditionnels étant exclus...). Le PG s'oppose donc à la mise en place d'un marché mondial d'émissions de gaz à effet de serre, et exige que les efforts des pays sont faits à l'intérieur de chaque pays, sans possibilité de compensation (abandon des mécanismes MOC et MDP). La mise en place d'une taxe internationale sur les émissions de GES peut s'avérer nécessaire. 3.Qui paiera ? La question des financements est double. Dans les pays en développement, l'ONU a chiffré à 100 milliards de dollars, les sommes nécessaires aux pays en développement pour faire aux changements climatiques. A Poznan en décembre 2008, plus de 160 ONG, organisations des peuples indigènes et associations pour une justice climatique ont repris une idée du G77-Chine de mettre en place un fonds de financement public pour le changement climatique, placé sous l'autorité de la convention cadre des NU sur les changements climatiques (et non de la Banque mondiale qui tente de devenir l'outil de financement). Ils proposent que le financement soit obligatoire et automatique de la part des pays de l'annexe I, comptables d'une «dette écologique» à l'égard de ceux du Sud. Ils insistent sur la nécessité d'une gestion démocratique et transparente du fonds, associant les pays en développement, les peuples indigènes, les mouvements sociaux, environnementaux et les mouvements de femmes. Enfin, ces financements doivent être séparés de l'APD et être faits sous forme de subventions et non de prêts. Ils sont assortis de la levée d'un certain nombre de brevets sur les technologies. Cette question n'est pas réglée actuellement. Dans les pays de l'annexe I, le respect des recommandations du GIEC implique une stabilisation des émissions de GES par rapport à leur niveau de 1990 en 2012 et une baisse de 5% par an à partir de cette date, pour atteindre 30 à 40% en 2020 et 85 à 95% en 2050. Alors que les évolutions technologiques, dans le cadre du libre marché, avaient permis de stabiliser les émissions depuis 20 ans, le rythme de diminution exigé à partir de 2012 ne pourra donc pas reposer sur ces seules évolutions. Concrètement, la mise en place d'un marché des émissions de GES ne garantit aucunement l'atteinte de ces objectifs. En revanche, elle risque de favoriser les concentrations capitalistiques, de renforcer les inégalités par pays en matière d'émissions de GES et de développer un colonialisme vert dans les pays en développement (pour acquérir les fameux quotas liés aux MDP). Les effondrements de prix du carbone sont toujours possibles (d'où incertitude pour investir) ainsi que les fraudes massives (voire les fraudes à la TVA découvertes sur le marché européen en août 2009). L'envolée du prix du carbone est également possible, à l'inverse, avec, sans changement de mode de production, de consommation et de vie dans les pays concernés, des phases de crise économique sans précédent. Les économies capitalistes sont en effet totalement dépendantes du carbone (la révolution industrielle de la vapeur et du pétrole ont permis le développement sans précédent du système capitaliste, en permettant une mécanisation et des transports à moindre coût qui sont aujourd'hui remis en cause). Dès lors, même les gouvernements libéraux ont compris l'enjeu de decarboniser l'économie plus rapidement, et de la rendre moins dépendante de l'énergie. C'est l'ambition initiale de la Taxe Rocard, créant une augmentation du prix de l'énergie progressive et continue, mais dont les effets vont entièrement reposer sur le budget des ménages (les entreprises seront exonérées de cotisations sociales !) et qui n'est pas assortie d'un plan d'investissements massifs dans les logements et le transport (les deux secteurs les plus énergétivores). Dès lors, le PG se prononce à l'inverse pour des politiques publiques volontaristes. Au niveau international, une politique cohérente en matière climatique doit organiser une relocalisation des activités de production et de consommation, permettre la souveraineté alimentaire et énergétique, et donc remettre en cause le sacro saint principe de libre échange. Dans le cadre de l'UE, les politiques de libéralisation de l'énergie et des transports ont fait exploser les émissions de gaz à effet de serre et le coût de l'énergie, tout en rendant l'Europe vulnérable aux importations extérieures. Elles doivent être remises en cause. Au niveau international, la mise en place d'une taxe sur les émissions de GES peut s'avérer nécessaire pour éviter les délocalisations d'émissions. Celle-ci peut également être proposée aux frontières de l'UE, avec le reversement aux pays en développement des fonds collectés dans le cadre d'accords de coopération ou de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique. Parce que l'accès à l'énergie est un droit fondamental, et qu'une politique conséquente de lutte contre le dérèglement climatique ne peut pas se résumer à une « taxe miracle », le Parti de Gauche se prononce pour une transiton énergétique plus globale, ambitieuse, en rupture avec le système capitaliste et la logique productiviste. Cette politique s'appuiera sur une logique de planification écologique, permettant de discuter, dans le cadre de tables rondes associant experts, syndicats de salariés, associations écologistes, usagers, précédant un large débat au parlement, des objectifs à atteindre et des scenarii pour y aller. Elle s'appuiera sur : 1/ la mise en place d'un service public de l'énergie, avec le retour d'EDF et GDF à 100% public et la nationalisation de Total et Areva, permettant à la fois de réduire la fracture énergétique et de planifier, sur le long terme et de manière volontariste, la nécessaire transition énergétique (voir les deux décisions anti-climat d'EDF à l'été 2009: bataille en justice contre l'entreprise qui permet aux particuliers de faire des économies d'énergie; augmentation différenciée des tarifs en réservant les plus fortes aux plus petits consommateurs) ; 2/ un plan d'investissement massif dans les énergies renouvelables, la recherche en matière d'efficacité énergétique et la promotion de la sobriété en matière de consommation (et l'abandon du programme EPR) ; 3/ la mise en place d'un vaste plan de rénovation et d'isolation des logements ainsi qu'un plan de développement des transports les moins polluants à l'échelle du territoire (transports en commun de passagers, frêt ferroviaire et navigation fluviale) ; 4/ l'organisation de tables rondes pour planifier la reconversion des industries les plus polluantes; 5/ la réorientation des aides de la Politique Agricole Commune vers une agriculture paysanne relocalisée, pourvoyeuse d'emplois et plus sobre en matière énergétique ; A lire la très bonne note produite par ATTAC et les Amis de la Terre «Pour une justice climatique,». libérons le climat de la finance | |
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