Pas d'école nouvelle sans savoir être
Le Club de Budapest a organisé le vendredi 30 novembre 2012 une journée très riche consacrée au thème suivant : "de quelle éducation avons-nous besoin pour co-évoluer et changer de paradigme "? Cette rencontre a en fait surtout porté sur la façon de rénover nos systèmes scolaires qui ont du mal à répondre aux besoins profonds des enfants et qui donc sont générateurs de souffrance pour ceux-ci, mais aussi pour leurs enseignants et leurs parents. Le modèle éducatif actuel, remis en question dans son contenu, dans sa pédagogie et dans son organisation, semble de plus en plus inadapté pour faire face aux mutation que l'humanité doit conduire dans la durée.
De nombreuses pistes de travail ont été proposées grâce à divers témoignages et à l'analyse de diverses initiatives.Caroline Sost, fondatrice d'une école primaire à Paris (Living school) a prouvé l'importance que revêtait le savoir être d'enseignants authentiques, source de confiance et d'ouverture ; ceci concerne aussi les parents qui peuvent être accompagnés dans leur réflexion sur leur propre savoir-être. Un ancien élève de Bokwood Park School a apporté sa vision de ce collège anglais international où il est devenu professeur ; on y apprend la totalité de la vie en prenant en compte la totalité de l'être humain. Philippe Nicolas a montré qu'il était possible d'innover dans une classe du primaire de notre rigide institution de l'Éducation nationale, en particulier en faisant le lien avec la nature. Claire Hebert-Suffrin a présenté la façon dont les réseaux d'échanges réciproques de savoirs (et d'ignorances) contribuait à développer les reconnaissances et les coopérations. François Taddei a posé la question de l'enfant chercheur, participant ainsi aux nouveaux modes de co-construction du savoir.
De nombreux propos introduisaient à une vision de paix et de joie à faire émerger dans tous nos processus éducatifs. Parlant « des clés du bonheur d'éduquer », Denis Marquet a plaidé pour une culture de la paix ; celle-ci est d'abord liée à notre capacité de nous émerveiller face à l'être unique qu'est chaque enfant, ce qu'a illustré un petit film tourné dans une classe de début du primaire à Toronto suivant l'évolution d'un bébé. Roswitha Lanquetin a présenté l'approche d'une paix avec soi, avec les autres et avec le monde, expérimenté au Brésil par Unipaz. Marine Quenin, initiatrice d'une approche des religions pour les 8-11 ans, a montré la façon dont elle essayait de susciter une curiosité bienveillante sur ce que les autres croyaient. Antonella Verdiani s'est référé à divers exemples d'initiatives éducatives innovantes qu'elle a présentées dans son récent livre paru chez Actes Sud, intitulé « ces écoles qui rendent nos enfants heureux ». Patrick Viveret a plaidé pour la joie profonde du partage dans nos voyages en humanité.
Cette journée permettrait aussi de réfléchir à la dimension universelle de l'éducation. Le club de Budapest promouvait la dimension de reliance entre acteurs éducatifs et avec le monde vivant ainsi que sur celle de co-évolution harmonieuse et pacifique entre les êtres humains ; Pascal Picq renforçait cette vision en plaidant pour que chaque culture contribue à l'évolution de l'humanité. Une intervenante, s'appuyant sur une récente soirée conduite avec des jeunes à Londres, montrait l'importance de s'appuyer sur l'empathie et la compassion dans les démarches éducatives ; tous semblables et tous différents, nous nous posons la question du comment continuer à vivre ensemble sur cette planète.
Les apports de cette journée, rejoignant les ambitions du Pacte civique d'articuler transformation personnelle, collective et sociétale et de développer notre créativité, nous invitaient tous à participer à la refondation urgente de nos écoles en développant notre être authentique et notre rapport à l'autre sans préjugé.
Jean-Claude Devèze