jeudi 13 janvier 2011

Fwd: : "La mondialisation a fait disparaître le social. On l'a remplacé par l'humanitaire"

Alain Touraine, sociologue : "La mondialisation a fait disparaître le social. On l'a remplacé par l'humanitaire"
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LE MONDE BOUGE
 - Qui arrêtera la finance, cette machine folle qui détruit nos sociétés occidentales ? Pour le philosophe, il appartient à chacun de se révolter pour sauver la démocratie.

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Photo : H.Triay
SUR LE MEME THEME

Depuis près d'un demi-siècle, il est un des penseurs majeurs des mouvements sociaux. Deux ans avant Mai 68 (La Conscience ouvrière), il analysait les capacités d'action de ce qu'on pouvait encore appeler la classe ouvrière. Puis il s'est penché sur le mouvement antinucléaire, la démocratisation en Amérique latine, la Pologne communiste avec Solidarnosc... Aujourd'hui, écrit Alain Touraine, la mondialisation et l'empire de la finance ont détruit la société occidentale. D'où le « silence des victimes » devant le « gangstérisme financier ». Peut-on espérer l'émergence de nouvelles forces pour lui résister ?

 

Quel peut être l'apport d'un sociologue à l'analyse d'une crise largement étudiée par les économistes ?

Ils l'ont étudiée, mais ils ne l'avaient pas prévue, à deux ou trois exceptions près ! Avant 2007, de grands personnages de la pensée libérale américaine, comme le Prix Nobel Robert Lucas, évoquaient même la crise de 1929 pour dire : « Une telle crise n'est plus pensable ! » Certes, en injectant dès 2008 deux mille milliards de dollars dans la machine, les gouvernements ont empêché que cette crise ne devienne mondiale, elle est restée occidentale. Mais ces sommes gigantesques n'ont permis que la reconstitution rapide des profits des banques. Prenons la France : nous étions descendus à 7 % de chômeurs, nous sommes à 10 %. Pour le sociologue que je suis, il y a plus grave, c'est le taux de pauvreté, car on peut avoir du travail et être pauvre. Or tous les pays occidentaux ont entre 15 % et 25 % de pauvres.

"C'est pour la City, qui a ruiné leur pays, 
que les Anglais se serrent la ceinture."

Certains disent pourtant qu'on est en train de sortir de la crise, Wall Street est euphorique...

C'est se moquer du monde ! Les déficits publics et les dettes des pays occidentaux font que les générations à venir vivront moins bien. L'Angleterre a un déficit budgétaire de 11 %, les Etats-Unis sont le pays le plus endetté du monde. Partout, la crise est profonde, durable. Et qu'a-t-on fait depuis trois ans ? Rien ! Le seul secteur qui se soit redressé, c'est le secteur financier. Tous les patrons des fonds spéculatifs continuent de gagner entre un et deux milliards de dollars chaque année.

Pourtant, les peuples ne se révoltent pas contre la finance. Vous parlez du « silence des victimes »...

Non seulement ils ne se révoltent pas, mais ils en redemandent parfois. La population anglaise a voté pour les conservateurs, dont la seule préoccupation est de reconstruire la City, la machine à fric. Et c'est pour la City, qui a ruiné leur pays, que les Anglais se serrent la ceinture.

Comment expliquez-vous ce vote ?

L'Angleterre, qui n'a plus d'autre industrie que la finance, a ce fantasme qu'elle peut retrouver la richesse par la finance. Aujourd'hui, dans les pays occidentaux, si vous voulez gagner de l'argent, ne soyez pas ingénieur ni entrepreneur, soyez financier ou juriste. Les pays européens ont voulu la désindustrialisation : le travail ouvrier, c'est fini, ce sont de vieilles conneries ! Et on fait quoi ? Du jeu spéculatif. J'investis dans de bons logiciels, je fais des équations très simples. Grâce aux moyens de communication modernes, je connais en temps réel le prix du blé ou du café ici et là. Eh bien je fais, en temps réel, des transferts de blé ou de café purement fictifs.

"On assiste à la fin d'une période de domination 
occidentale qui aura duré deux cent cinquante ans."

La finance n'est-elle pas l'artifice de l'Occident pour masquer son déclin, sa perte de compétitivité dans la mondialisation ?

La finance coule l'Occident ! Si vous ne produisez pas et que vous vous endettez, ça ne dure pas éternellement. On assiste à la fin d'une période de domination occidentale qui aura duré deux cent cinquante ans. L'Occident avait construit son modèle sur la conquête de l'extérieur, grâce à une formidable concentration des ressources, et au prix de tensions, de conflits, de contradictions. Cela a été la domination coloniale, les conditions de travail et de misère décrites par Engels, Dickens, Zola, mais aussi le mouvement ouvrier sous toutes ses formes, qui a renversé le pouvoir industriel absolu. On est ainsi, après la guerre, parvenu à notre âge d'or, les Trente Glorieuses : un meilleur partage de la richesse et la construction des systèmes de protection sociale. Or, aujourd'hui, nous n'avons plus de modèle social. L'Europe est entièrement à droite - hormis Zapatero, dont chacun sait qu'en cas d'élections il tomberait. Les syndicats, la sécurité sociale, les services publics, tout ça est remplacé par l'argent, le simple argent...

Pourquoi les peuples européens votent-ils à droite ?

Les classes moyennes, qui n'ont cessé de perdre du terrain, sont tentées de dire : c'est la faute aux charges sociales. Si on aidait moins les classes populaires, on s'en tirerait mieux. Leur déclassement les conduit plutôt à droite car nous vivons dans un monde où le sens normatif des conduites a disparu. Les conduites ont un objectif purement instrumental : la spéculation dans l'ordre économique comme la pornographie dans l'ordre privé se définissent par l'absence d'objectifs, en termes de normes, de valeurs, de contenu culturel.

L'Occident est donc mal en point ?

Nous sommes devant un choix : ou l'on vit dans un monde de consommation au sens le plus fort du terme, de non-production, et ça dure ce que ça dure, car nous ne sommes plus en mesure d'exploiter le reste du monde, et l'Afrique et l'Amérique latine ont une alternative, la Chine. Ou bien on invente un nouveau type de société, ce qui est très compliqué. Les instruments d'intervention - syndicats, tribunaux, gouvernements...- ont tous été forgés dans un cadre national. L'économie mondialisée a rompu les amarres : personne, aucun gouvernement, aucune institution, ne peut agir sur elle. Et l'on voit bien que la politique des entreprises consiste à se protéger des tempêtes en exposant les travailleurs en première ligne...

"Que peut-on construire pour résister à ce tsunami financier ? 
Sur quelles forces non sociales peut-on compter ? 
J'en vois deux : l'écologie et l'individu."

Vous parlez de « société post-sociale » ?

Oui, la mondialisation a fait disparaître le social. Le social, c'est quoi ? Une manière d'utiliser des ressources matérielles pour en faire des formes d'organisation - écoles, hôpitaux, etc. Ces institutions détruites, on les remplace par de la compassion ou de l'humanitaire, qui ne sont pas à la hauteur des problèmes posés. Puisque l'économie est au-dessus de la société, libérée de toute contrainte sociale, qui peut s'opposer au triomphe de l'argent ? Ce ne peut être une force sociale. Les sociaux-démocrates sont liquidés partout. Même la Suède n'est plus sociale-démocrate depuis six ans, l'extrême droite fait partie de la majorité gouvernementale. On voit de grands mouvements xénophobes en Norvège, en Hollande, en Belgique flamande, en Autriche... Que peut-on construire pour résister à ce tsunami financier ? Sur quelles forces non sociales peut-on compter ? J'en vois deux : tout d'abord ce phénomène extraordinaire de l'écologie. Nous avons vécu avec l'idée des philosophes Descartes et Bacon qu'il fallait dominer la nature. Maintenant, nous disent les écologistes, il faut gérer les rapports nature et culture, et donc imposer des limites à l'économie. Ces limites ne sont pas sociales, elles sont vitales.

Pourquoi l'écologie est-elle une force non sociale ?

Parce que c'est une question de vie ou de mort, donc de nature : vous produisez du carbone, vous faites monter la température, vous faites fondre les glaciers... et le Bangladesh se retrouve sous l'eau. Cette question vitale entraîne d'ailleurs sur le plan idéologique un retour à des pensées religieuses, des pensées de l'univers : le bouddhisme, c'est faire le vide du social en soi, de façon à n'être que soi dans sa relation à l'univers. Cette vision « universaliste » avance, pour le meilleur et pour le pire.

"Le monde des lois s'écroule, 
mais le monde des droits se renforce".

Quelle est la deuxième force non sociale sur laquelle on peut compter ?

L'individu ! L'individu peut certes privilégier la recherche de l'argent, du plaisir, du jeu, mais aussi la recherche des droits. Hannah Arendt disait que l'espèce humaine est celle « qui a le droit d'avoir des droits ». Le monde des lois s'écroule, mais le monde des droits se renforce. De plus en plus, nous considérons qu'un être humain a des droits, que nous associons au mot de « dignité ». Les gens disent : « Je veux qu'on respecte ma dignité. » L'autre mot employé partout, c'est le mot « humiliation ». « Je ne veux pas être humilié, je ne veux pas qu'on me jette dehors. » On assiste donc à cette formidable montée de forces non plus sociales mais morales.

Comment ce monde d'idées, de morale, de culture, peut-il se traduire politiquement ?

La question essentielle, qui demande de l'imagination, c'est : comment recréer de l'esprit démocratique ? L'homme qui nous aide le plus, c'est l'économiste indien Amartya Sen. Pour lui, il ne faut plus partir d'en haut, mais évaluer la capacité concrète qu'a chaque individu d'atteindre certains objectifs : l'éducation, la santé, la mobilité sociale... Ce qui définit un mouvement démocratique, c'est sa capacité à « fabriquer de l'acteur », à faire que les gens soient actifs. A fabriquer de la citoyenneté.

Cette démocratie « par le bas » peut-elle advenir partout ?

Il est tentant de dire que l'Amérique, libérale et individualiste, est bien préparée à faire vivre ces grands principes des droits de l'individu... Mais il est primordial que ce renouveau démocratique apparaisse partout. Ne retombons pas dans l'erreur de beaucoup d'Européens qui a consisté à dire : « Nous sommes l'universel, vous êtes le particulier. » Au dernier Comité central du parti communiste chinois, le numéro deux a dit : notre modèle ne doit plus être proprement chinois, il faut le faire reposer sur des valeurs universelles.

Lorsque vous opposez à la mondialisation ce que vous appelez « le sujet porteur de droits », vous semblez dire que l'indignation, la révolte, est d'abord une décision individuelle avant d'être collective ?

Absolument. Et s'il y a une idée occidentale, c'est bien celle-là ! Max Weber parlait, au début du XXe siècle, de l'éthique de la conviction. L'homme de Tian'anmen allongé devant un tank, qui restera un des grands symboles de ce siècle passé, c'est la conscience nue face à la force nue. Ce n'est pas un groupe, il est là, lui tout seul, même s'il s'inscrit dans une action collective.

"C'est cela l'universalisme : si vous reconnaissez 
les droits du plus faible, vous reconnaissez les droits de tous."

Vous dites que pour reconstruire un ensemble social, il faut une conscience de l'adversaire, une conscience de soi et une bonne perception de l'enjeu. La perception de l'« enjeu », n'est-ce pas le plus compliqué ?

Je ne crois pas. Pour le monde dominant, l'enjeu, c'est la consommation individuelle. Les opposants à ce monde doivent eux aussi faire appel à l'individu, mais pas à l'individu des biens : à l'individu des droits. L'enjeu est bien de créer une société d'individus. D'ailleurs, de quoi discutent les sociologues aujourd'hui pour l'essentiel ? De la façon dont on peut combiner la diversité culturelle avec le maintien des principes universels, dont on peut vivre ensemble égaux et différents. C'est ce droit d'être singulier qui est démoli par la consommation de masse d'un côté, le communautarisme de l'autre.

Comment transformer un principe universel - le sujet et ses droits - en forme d'organisation sociale ?

Il faut que soit toujours, partout, pris le parti du plus faible... Difficile d'être contre, non ? Jésus-Christ en a parlé abondamment. C'est cela l'universalisme : si vous reconnaissez les droits du plus faible, vous reconnaissez les droits de tous. Cela s'inscrit dans la grande tradition européenne - de la Déclaration des droits de l'homme au mouvement ouvrier -, mais aussi dans la lutte de Gandhi contre les castes...

Iriez-vous jusqu'à dire qu'il y a une faillite morale des démocraties ?

La pensée venue du mouvement ouvrier, syndical, éducatif, coopératif, municipal, a certes ébranlé les sociétés industrielles et connu des résultats formidables. Mais tout cela est mort avec l'URSS - jamais je n'oublierai que le stalinisme a détruit le mouvement ouvrier - et les mutations de la main-d'oeuvre. Maintenant, pouvez-vous me citer un mot d'importance prononcé par le parti socialiste français depuis trente ans ? Le seul acte de la gauche française, même si c'est une grande chose, a été l'abolition de la peine de mort. C'est pour des causes morales que les Français considèrent que Robert Badinter est, avec Simone Veil, une des deux grandes personnalités françaises.

Le changement ne peut venir que de personnalités exemplaires ?

Cela a toujours été comme ça. Un « militant », c'est une personnalité exemplaire. J'en ai connu, dans la première partie de ma vie, quand je travaillais en milieu ouvrier, de ces militants qui étaient peut-être des staliniens à couper au couteau, mais de grandes personnalités, avec le sentiment de l'exemplarité, de l'engagement au service de tous.

"On risque d'avoir affaire des mouvements 
de repli sans autre orientation possible que la violence. 
Et ça serait en France du tout cuit pour Nicolas Sarkozy."

Mais des militants sans structure sociale peuvent-ils créer un mouvement collectif ?

Le mouvement italien Popolo Viola est parti d'Internet : un jeune sociologue, avec quelques amis, a réussi à mettre dans la rue un million de personnes, alors que la gauche italienne n'était pas fichue d'en mettre vingt fois moins ! Les petites communautés utopiques, exemplaires, plus culturelles que sociales, pas animées par la défense d'intérêts spécifiques, ont un rôle important à jouer. Vous ne pouvez plus dire : je parle au nom de Dieu, de l'Histoire, du Progrès, de la Nation, de la Science. La seule chose que vous puissiez dire, c'est : je parle au nom de la survie de la Terre et je parle au nom de la défense des droits humains universels.

Craignez-vous que de la relative apathie actuelle puisse sortir de la violence ?

Absolument. La crise économique n'a pas fini d'aggraver la crise sociale. On risque d'avoir affaire à des mouvements qui sont le contraire de mouvements sociaux, des mouvements de repli sans autre orientation possible que la violence. Et ça serait en France du tout cuit pour Nicolas Sarkozy. Rappelez-vous la fin de 68 et le triomphe écrasant du gaullisme aux élections gagnées sur la peur. Le seul argument aujourd'hui qui puisse faire gagner le président actuel, c'est la peur d'un désordre que la gauche serait incapable de contrôler...


 

A lire
Après la crise, d'Alain Touraine, aux éd. du Seuil, 200 p., 18 €.



Fwd: Club de Budapest - Infos - - sciences.blogs.liberation.fr -L'origine de l'Univers : un livre d'Etienne Klein


Objet : Club de Budapest - Infos - - sciences.blogs.liberation.fr -L'origine de l'Univers : un livre d'Etienne Klein




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L'origine de l'Univers : un livre d'Etienne Klein

Etienne Klein  Etienne Klein vient de publier «Discours sur l'origine de l'Univers». Livre de physicien et de philosophie, où il traite de la notion d'origine de l'Univers, mais aussi de l'énergie et de la matière noires, les deux concepts énigmatiques de la physique actuelle.

Tout en respectant scrupuleusement la science, il présente de manière claire et accessible les enjeux intellectuels des pointes avancées de la physique théorique et de la cosmologie. Le lecteur y glanera aussi quelques savoureuses anagrammes. En voici deux exemples : «Albert Einstein» peut se lire «Rien n'est établi» et «L'accélérateur de particules» donne «Eclipsera l'éclat du Créateur».

Pourquoi la question des origines, et donc celle de l'origine de tout l'Univers, suscite-t-elle autant d'intérêt ?

Cela vient du fait que l'origine absolue –  le passage du néant à l'être, s'il a eu lieu  – est le point de rencontre de deux mouvements opposés de la pensée. D'une part, on estime que si l'on connaissait l'origine de l'Univers, on connaîtrait aussi l'intégralité de son histoire et peut-être même le sens de nos existences. Mais, d'autre part, on est porté à croire que c'est en comprenant mieux l'histoire de l'univers que nous pourrions en saisir l'origine.

L'origine incarne donc à la fois la solution et le problème, la clé de tout et le mystère le plus absolu : elle Livre Klein couv représente la réponse à toutes nos interrogations en même temps qu'elle constitue le problème qu'on ne pourra résoudre que lorsqu'on aura résolu tous les autres… Ce double statut de la question de l'origine provoque un appétit intellectuel autant qu'existentiel. Intellectuel car elle est un défi pour la pensée. Existentiel parce qu'on pense que la connaissance de l'origine nous permettrait de comprendre pourquoi et pour quoi nous sommes là. D'où une certaine compétition entre science et religion autour de ces questions, d'autant plus que parler de l'origine de l'univers ou prétendre qu'on la connaît, c'est exercer un certain pouvoir sur les esprits. Mais si vous tendez bien l'oreille, vous constaterez que si tout le monde parle de l'origine de l'univers, personne ne la dit jamais…

Qu'est-ce qui fait l'actualité de cette interrogation ?

Sur l'origine de l'univers proprement dite, il n'y a pas d'actualité scientifique particulière. L'actualité est plutôt d'ordre culturel : de nombreux physiciens ont compris qu'ils devaient davantage ­réfléchir à la façon de traduire leurs connaissances en langage courant. Souvent, nous parlons plus loin que nous ne savons. Cela crée toutes sortes de malentendus. Par exemple, on évoque les modèles de big-bang comme s'ils avaient directement accès à l'instant zéro, présenté comme l'instant marquant le surgissement simultané de l'espace, du temps et de la matière. Dans le langage courant, l'expression «big-bang» en est ainsi venue à désigner la création du monde, le «fiat lux» originel, de sorte qu'on se demande ce qui a bien pu se passer avant. Or cette assimilation entre big-bang et instant zéro est abusive. Les équations de notre physique cessent en effet d'être valides bien avant d'atteindre la fameuse «singularité initiale».

Des télescopes et accélérateurs de particules exhibent ce mot «origines» dans leurs programmes. Science ou dérapage publicitaire  ?

Les origines cela signifie s'éloigner de plus en plus dans le passé, étudier les conditions de plus en plus extrêmes de densité d'énergie et de température qui étaient celles de l'univers primordial, observer ce qui s'y passe, voir d'où proviennent les objets qui le constituent. Il s'agit en somme de prolonger Infographie Planck et Big bang l'exploration du passé. Ces recherches ont déjà produit des résultats fabuleux. Les cosmologistes peuvent aujourd'hui raconter, avec un degré de précision étonnant, l'évolution physique et chimique de notre Univers depuis 13,7 milliards d'années.(Voir graphique ci-contre, cliquer pour agrandir)

Ce nombre, et les milliers de pages de cette saga turbulente, constituent une conquête admirable de l'esprit humain. Elle a été rendue possible par des exploits technologiques (je songe aux télescopes terrestres et spatiaux, aux accélérateurs de particules) et par un travail collaboratif de milliers de physiciens, d'astrophysiciens, d'ingénieurs, de techniciens depuis un demi-siècle. Il ne faut surtout pas relativiser la portée intellectuelle de cet effort, et encore moins bouder son caractère fascinant. Songez qu'on sait reconstituer la genèse (dans les étoiles) et l'histoire (longue de 5 milliards d'années) des atomes de potassium qui se trouvent dans votre squelette… Mais, petit paradoxe, quand un physicien parle de l'origine de telle ou telle chose, il raconte en fait l'histoire d'un achèvement : il explique comment ce qui précédait a pu engendrer ce qui est survenu… Tout commencement est donc la fin d'un processus. C'est pourquoi l'origine de l'Univers lui-même nous échappe : par définition, elle n'est précédée par rien. Nous ne devrions donc pas laisser penser que la question de l'origine de l'Univers est désormais installée à l'intérieur des frontières mêmes de la science. On trouve suffisamment de publicités mensongères ailleurs.

Dans ce programme visant à remonter le passé, où en êtes vous arrivés ?

D'un point de vue expérimental, si l'on veut voir les phénomènes qui se déroulaient dans l'Univers primordial, il faut provoquer des collisions de particules grâce à des accélérateurs de haute énergie. On crée ainsi, pendant une durée très brève, des conditions physiques extrêmes, en l'occurrence une très haute température, et aussi une très grande densité d'énergie provenant de l'énergie des particules incidentes qui soudain se ­concentre en une toute petite zone de l'espace. Les phénomènes qui se Cern_3 déroulent alors sous nos yeux sont exactement ceux qui se sont déjà produits, mais à l'abri des regards, dans le passé de l'Univers. Plus l'énergie des collisions est élevée, plus on remonte loin dans le passé. Au Large Hadron Collider du Cern, le collisionneur de particules le plus puissant jamais ­construit, l'énergie de chaque particule est à peu près celle d'un moustique en vol, ce qui donne une densité d'énergie bien plus grande que celle qu'on trouve dans la matière ordinaire. Mais on est encore loin du compte : dans l'Univers tout à fait primordial, des particules pouvaient avoir l'énergie d'un TGV fonçant à 300 km/h… Si l'on regarde maintenant l'aspect théorique des choses, nos équations, lorsqu'elles tentent d'aller très loin dans le passé, finissent par buter sur ce qu'on appelle le «mur de Planck». (photo, centre de controle du LHC au Cern, CERN)

Et de quoi est fait ce mur ?

Ce terme ne désigne pas un mur physique, mais un mur cognitif. Il correspond à un moment particulier de l'histoire de l'Univers, une phase par laquelle il est passé et qui se caractérise par le fait que les théories physiques actuelles sont impuissantes à décrire ce qui s'est passé en son amont. Le mur de Planck Planck, auquel sont notamment associées une énergie ( 10 puissance 19 GeV, autant de milliards d'électronvolts) et une durée ( 10 puissance -43 seconde), représente ce qui nous barre aujourd'hui l'accès à l'origine de l'Univers, si origine il a eu. Il incarne en effet la limite de validité ou d'opérativité des concepts de la physique que nous utilisons : ceux-ci conviennent pour décrire ce qui s'est passé après lui, pas ce qui a eu lieu avant lui. Ainsi, nos représentations habituelles de l'espace et du temps perdent toute pertinence en amont du mur de Planck. (Photo, le physicien Max Planck).

Comment escalader ce mur ? Et qu'y a-t-il ­derrière ?

Pour escalader ce mur, il faut construire une théorie qui soit capable de marier la physique quantique, qui décrit la matière à petite échelle, et la relativité générale d'Einstein, qui décrit l'Univers à grande échelle. Les théoriciens qui travaillent sur ce sujet osent toutes les hypothèses : l'espace-temps posséderait plus de quatre dimensions ; à toute petite échelle, il serait discontinu plutôt que lisse ; ou encore il serait théoriquement dérivable ou déductible de quelque chose qui n'est pas un espace-temps… Ces différentes pistes ne sont encore que des conjectures, mais –  point remarquable  – toutes ont la propriété de faire passer un sale quart d'heure à l'instant zéro : pour elles, plus de singularité initiale ! Tout se passe en somme comme si le mariage de la physique quantique et de la relativité générale devait aboutir à l'abolition de la création de l'Univers…

Comment parler honnêtement de ces tentatives au grand public ?

En se donnant du temps et avec une rigueur d'autant plus grande qu'il s'agit de questions fondamentales facilement transmutables en gloubi-boulga métaphysique. Le langage des sciences (surtout des «dures») est une sorte de chinois. Or, comme disait Lacan, «tout le monde n'a pas le ­bonheur de parler chinois dans sa propre langue». Nous devons donc faire preuve de pédagogie, travailler sur le langage que nous utilisons, et surtout éviter l'esbroufe…

Franchement, l'être et le néant, c'est un truc pour philosophes, pas pour scientifiques ?

Sans doute, car pour les scientifiques, l'alternative est simple. Soit l'Univers a eu une origine que la science n'a pour le moment pas saisie : dans ce cas, il a été précédé par une absence totale d'être ; cela signifie qu'il a résulté d'une extraction hors du néant, extraction qui est indicible, car pour expliquer comment le néant a pu cesser d'être le néant, il faut lui attribuer des propriétés qui, par leur seule existence, le distinguent de lui-même… Soit l'Univers n'a pas eu d'origine : dans ce cas, il y a toujours eu de l'être, jamais de néant ; dès lors, à l'évidence, la question de l'origine de l'Univers ne se pose plus – elle n'était qu'un problème mal posé – mais elle se trouve remplacée par une autre question, la plus impénétrable de toutes, celle de l'être : pourquoi l'être plutôt que rien ?

- pour le côté "esbrouffe" dont parle Etienne Klein, voir la série de notes sur les frères Bogdanov (ou Bogdanoff). Ici, ici, ici et ici.

- Pour la matière noire, cette note récente.

- Pour l'énergie noire, voir cette note récente.






Institut Diderot - L'AVENIR DU PROGRES - LUNDI 7 FEVRIER 2011 DE 10H A 17H


 


Dominique Lecourt a le plaisir de vous inviter aux premiers Entretiens
de l'Institut Diderot

L'AVENIR DU PROGRES

L'idée de progrès est-elle une « étoile morte » comme certains
aujourd'hui l'affirment ? Une illusion nocive menant à la dévastation
de la planète, comme d'autres le proclament ? Ne représente-t-elle pas
une exigence humaine irréductible dont il y aurait cependant lieu de
redéfinir et réévaluer le sens ?

LUNDI 7 FEVRIER 2011 DE 10H A 17H
Salle Clemenceau - Palais du Luxembourg
15, rue de Vaugirard – Paris VIe

avec
 
· JEAN-CLAUDE AMEISEN, médecin, professeur à l'Université Paris Diderot
et à l'Hôpital Bichat, président du comité d'éthique de l'INSERM;
· CHRISTIAN ARNSPERGER, économiste, titulaire de la Chaire Hoover
d'éthique économique et sociale de l'Université catholique de Louvain;
· ANDRE AURENGO, médecin, professeur de biophysique à l'Université
Pierre-et-Marie-Curie, chef des services centraux de médecine nucléaire
du groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière (Paris);
· GEORGES BALANDIER, ethnologue et sociologue, professeur émérite de
l'Université Paris Descartes, Directeur d'études à l'École des hautes
études en sciences sociales;
· LUCIANO CANFORA, philologue, professeur à l'Université de Bari;
· JEAN-CLAUDE CASANOVA, président de la Fondation nationale des
sciences politiques, Président honoraire de l'Académie des sciences
morales et politiques;
· ANTOINE COMPAGNON, professeur au Collège de France (Chaire de
littérature française moderne et contemporaine);
· JEAN-LUC DOMENACH, sinologue et politologue, directeur de recherches
au Centre d'Etudes de Relations Internationales (CERI-Sciences Po-CNRS
UMR 7050);
· MARIE-ANNE FONTENIER, directrice du groupe Supinfocom – Supinfogame;
· ANTOINE GRUMBACH, architecte, professeur à l'École nationale
supérieure d'architecture de Paris-Belleville (ENSAPB);
· CLAUDIE HAIGNERE, médecin, spationaute, ancien ministre, présidente
d'Universcience;
· PAUL JORION, anthropologue et sociologue;
· Etienne Klein, physicien, directeur du Laboratoire de Recherches sur
les Sciences de la Matière (CEA);
· DOMINIQUE LECOURT, philosophe, professeur à l'Université Paris
Diderot;
· JEAN-MARC LEVY-LEBLOND, physicien, professeur émérite à l'Université
de Nice ;
· BERNARD MARIS, économiste, professeur à l'Institut d'études
européennes (Paris VIII);
· JEAN-NOEL MISSA, philosophe et médecin, professeur à l'Université
libre de Bruxelles et directeur de recherches au Fonds National belge
de la Recherche Scientifique;
· LOUIS SCHWEITZER, président du conseil d'administration du groupe
Renault;
· JEAN-CLAUDE SEYS, ancien président de COVÉA (GMF, MMA, MAAF);
· RAFFAELE SIMONE, linguiste et philosophe, professeur à l'Université
Rome III;
· BERNARD STIEGLER, philosophe, directeur de l'Institut de recherche et
d'innovation du Centre Georges-Pompidou, fondateur d'Ars Industrialis.
 
LA PARTICIPATION EST GRATUITE MAIS L'ACCES AU PALAIS DU LUXEMBOURG EST
SUBORDONNE
A L'INSCRIPTION PREALABLE ET A LA PRESENTATION A L'ENTREE D'UNE PIECE
D'IDENTITE.
 
Inscriptions obligatoires en ligne, à l´adresse suivante :
www.inscription-institut-diderot.info


Fwd: [Agora21 transitions] Nouvelle discussion publiée sur "AGORA Principale"


Objet : [Agora21 transitions] Nouvelle discussion publiée sur "AGORA Principale"

Une nouvelle discussion a été publiée par Philippe Jury dans le forum du groupe "AGORA Principale"

Appel à projet d'éco-industries du MEDDTL

LE FONDS DE COMPETITIVITE DES ENTREPRISES LANCE SON APPEL A PROJETS ECO-INDUSTRIES

Suite au Grenelle de l'Environnement et aux conclusions des groupes de travail mis en place par le Comité Stratégique des Eco Industries (COSEI), un renforcement du soutien public au développement des écotechnologies a été décidé. Cette volonté s'est concrétisée par l'allocation d'une enveloppe de 30M€ sur trois ans dans le cadre du Fonds de Compétitivité des Entreprises, d'une part, et par la création au sein de l'ADEME de fonds dédiés à l'environnement et l'énergie, d'autre part.

Le Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie (MINEFI), en liaison avec le ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement et le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, a pris l'initiative de lancer un appel à projets concernant les éco-industries.

En 2009 et 2010, deux appels à projets éco-industries ont permis de retenir 68 projets répartis entre le Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, l'ADEME et OSEO. De même, l'ANR a sélectionné 30 projets dans le cadre de son appel à projets écotechnologies. Le présent cahier des charges concerne le troisième appel à projets concernant les éco-industries, lancé au titre de 2011.

Date d'ouverture de l'appel à projets : 22 décembre 2010

Date limite de déclaration d'intention : 07 mars 2011

Date limite de dépôt du dossier complet de candidature : 30 avril 2011.

VOIR :

Le cahier des charges
Annexe 1 : définitions
Annexe 2 : financement
Annexe 3 : calendrier et schéma synoptique de la procédure
Annexe 4 : Fiche récapitulative
Annexe 5 : modèle de dossier de demande d'aide



Consulter la discussion

Consulter le groupe AGORA Principale



conférence Hervé Kempf sur son dernier livre

"L'oligarchie ça suffit, vive la démocratie."
Jeudi 13 janvier 2011 à 20h
ENS 45 rue d'Ulm, 75005 Paris
salle Dussane