samedi 21 février 2009

Avant-projet de plateforme de présentation d'un « pacte civique ».



 

 

                  Confrontés à la crise,      

 

le bonheur autrement.

 

 

Pour un pacte civique qui vise à rétablir le pacte social !

 

« Et si la crise actuelle ouvrait une nouvelle époque ? Et si les réactions à la crise redistribuaient les cartes du bonheur ? » C'est autour de ce double pari que plusieurs réseaux d'associations se sont rassemblés pour élargir les frontières du débat public : à travers les bouleversements de la crise, de nouvelles convictions s'affirment sur la société et sur l'existence (1), des ressources humaines insoupçonnées se font jour (2), des comportements inédits et des initiatives innombrables se prennent (3). Pourquoi ne pas essayer de fédérer le tout autour d'un « pacte civique » qui proposerait des engagements à la fois personnels et collectifs en contribuant ainsi à la reconstruction du pacte social à l'horizon des futures élections présidentielles ?

 

 

1.     Une crise qui ébranle les certitudes de la modernité.

 

Actuellement, les analyses de la crise prolifèrent sur chacun de ses multiples aspects, avec des diagnostics plus ou moins alarmistes : elles vont d'une simple crise conjoncturelle de régulation à une crise structurelle du système économique ou à une crise des valeurs, de la culture, de la vie politique et de la démocratie. Mais quelles que soient les divergences quant à ces analyses, ces associations convergent sur un constat unanime : la crise change la donne ! Les esprits s'ouvrent ! Le paysage économique et social se transforme à grande vitesse… mais jusqu'où ?

De mois en mois, de nouveaux pays et de nouveaux secteurs sont atteints par la crise… et depuis bien plus longtemps qu'on n'avait su le dire ! Les discours politiques ne cessent de se réajuster, mais ce sont les sciences économiques elles-mêmes qui sont prises à défaut, s'avérant incapables d'anticiper et même de constater les effets de la crise autrement qu'après coup ! Aucun expert ne prétend plus nous fournir d'explication globale ! A qui faire confiance pour comprendre ce qui arrive ?

Les dogmes du Libéralisme s'effondrent, quelques vingt années après ceux du Communisme, quand s'écroulait le Mur de Berlin ! La croyance absolue en l'initiative privée et en « la main invisible du Marché » vole en éclat ! Mais ce n'est pas pour autant le retour des solutions étatistes par les nationalisations et par la planification !

C'est la fin de l'hégémonie de l'économique et le grand retour du politique… mais sans qu'aucune politique ne semble avoir encore pris la mesure de la situation : les interventions financières massives (et plus ou moins protectionnistes) de l'Etat sur les Banques ou sur les industrie s'avèrent insuffisantes. Des politiques nouvelles  se cherchent dans les domaines de l'environnement, de la santé, de la protection sociale, de la redistribution et même de la culture… Mais aucune politique ne rétablira la confiance sans répondre aux attentes de reconnaissance des différentes catégories de population et sans réactiver une vie démocratique active et participative.

 

Plus largement, cette crise semble sonner la fin de la période moderne que Max Weber définissait par le passage de « l'économie du salut » au «  salut par l'économique ». La société semblait entièrement vouée à la production et à la satisfaction des désirs individuels de consommation qui semblaient sans limite ! Mais ce type-là de progrès économique n'est aujourd'hui plus crédible, non seulement pour des raisons éthiques (parce que beaucoup en sont exclus) ou écologiques (parce que les ressources sont limitées et que la planète est en danger), mais du fait de la nature même de l'existence humaine : la « chosification » du salut dans l'économique (dans l'avoir, dans la consommation et dans la communication) a sombré dans la démesure, elle n'apporte plus les satisfactions escomptées. La question du salut et du bonheur resurgit, cherchant de nouvelles réponses.

 

Si la loi d'airain de l'économique n'est plus crédible, un nouveau « possible » peut resurgir en croisant une approche de la complexité et de la responsabilité  (à la manière d'Edgar Morin) avec le « principe espérance » (d'Ernst Bloch) : on peut en effet en arriver de façon réaliste à :

  • Croire en l'improbable (à l'instar du « Yes, we can ! » de Barack Obama)
  • Miser sur les potentialités  créatives de chacun
  • Contribuer à des métamorphoses  du corps collectif  (aussi radicales que le passage de la chenille au papillon).

 

Bref cette crise appelle notre société à rechercher sa cohésion et son dynamisme dans un changement de mode de vie et de paradigme et en définitive, dans une nouvelle conception du bonheur, fondée sur l'être (et non sur l'avoir ou sur le paraître), sur le « bien être » ou sur le « mieux être », sur le relationnel et sur la solidarité, sur la créativité et sur la réceptivité !

« Le bonheur autrement ! » C'est tout un changement de civilisation qui est en jeu !

 

 

2. Face à la brutalité de la crise, se révèlent des potentiels humains insoupçonnés.

 

Mais rien n'est moins garanti qu'un pareil changement ! La crise peut très bien n'apporter que le pire, une fragilisation des situations, une crispation sur l'avoir, un repliement sur l'individualisme, une aggravation des inégalités et un durcissement des mesures défensives et répressives ! A première vue, la crise n'apporte aux personnes et à des régions entières que le chômage, un accroissement de la misère et de la précarité, à tout le moins une sévère diminution du pouvoir d'achat et une réelle perte de la sécurité ! Et si ce n'est pour tout de suite ou pour soi-même, la menace est là… pour bientôt… ou pour des proches !

Pour autant, les associations ici regroupées entendent dépasser les discours anxiogènes, catastrophistes ou démobilisateurs, car elles constatent que dans cette crise, beaucoup de femmes et d'hommes découvrent au fond d'eux-mêmes, de leurs proches ou de leur communauté d'appartenance, des ressources qu'ils ne soupçonnaient même pas et qu'ils ont bien du mal à exprimer clairement : qu'il s'agisse d'un simple « courage », d'un « instinct vital » ou d'une « quêtes d'identité», des « énergies personnelle» latentes se font jour qui prennent des formes très différentes : conscience morale, humanisme, profondeur, intériorité, transcendance, espérance… Cette « force éthique » (qui se déprend de la fascination pour la compétition ou pour la communication) stimule les réactions face aux pires situations d'humiliation et  redonne confiance aux personnes en leur rendant le sentiment de leur propre dignité, comme de l'égale dignité de tous les hommes. Elle constitue à nos yeux le principal ressort qui nous permettra de donner un nouvel élan à la démocratie et à la citoyenneté, et au final, de sortir de la crise ! Un véritable « droit de cité » doit lui être reconnu dans notre espace laïc et pluraliste !   

 

Beaucoup (de plus en plus ?) se ressourcent dans des courants spirituels (plus ou moins distincts des religions) qui aident les personnes et les groupes à assumer cette « vulnérabilité » aggravée par la crise et à trouver un nouveau souffle. La rationalité contemporaine ne peut pas ignorer la manière dont ces spiritualités peuvent

§  encourager les personnes « à travailler sur elles-mêmes », à sortir de leur individualisme et de leur « quant à soi » pour fraterniser et pour innover,

§  inciter la démocratie à « se remettre en question », à dépasser son fonctionnement procédural et administratif et à s'ouvrir à des relations davantage solidaires, responsables et créatives.

Quand elles évitent les dérives sectaires et communautaristes, les spiritualités peuvent constituer une force de dépassement pour les plus fragiles, de modération pour les plus solides, et de solidarité pour les plus entreprenants… si tant est qu'elles jouent le jeu de nos démocraties pluralistes et qu'elles renoncent à tout autoritarisme et à tout repli identitaire !

 

Mais beaucoup d'autres trouvent ailleurs leur inspiration et leurs repères à travers des « valeurs » ou un « sens » donné à l'existence, ou encore à travers l'exemplarité de quelques gestes de solidarité, de grandes « figures » ou de démarches porteuses d'espoir. Or dans la société française, il est difficile d'en parler ! Il nous semble important de dépasser cette pudeur (ou cette frilosité) ; le débat public a tout à gagner à s'ouvrir à ces questionnements profonds dans la tolérance et le respect de l'autre.

 

 

3. Face au cumul des crises, les comportements changent et les initiatives se multiplient !

 

 Par ailleurs, ces associations observent une accélération des changements de comportement, une prolifération des initiatives et une montée des aspirations nouvelles, notamment dans les jeunes générations.

La crise écologique a déjà changé le rapport à l'environnement, au gaspillage et au traitement des déchets. La production et la consommation « bio » sont devenues des facteurs de croissance.

La crise de l'énergie a donné son essor aux énergies renouvelables et aux économies d'énergie. L'usage de la voiture vient de commencer à régresser, au profit des transports en commun… et du co-voiturage.

Les crises humanitaires ont, depuis plusieurs années, stimulé la générosité à travers des campagnes de don, le développement des ONG, du microcrédit ou du crédit solidaire.

La persistance en France du chômage et de la grande pauvreté a suscité la création de nombreuses associations de solidarité. La crise économique renforce plus que jamais leur rôle.

Elle encourage aussi de tout nouveaux rapports à la consommation, moins consuméristes, plus économes : la réparation et le bricolage et même le jardinage reprennent du service ! La frugalité devient à la mode !

Plus largement, les jeunes initient de nouveaux modes de vie. Ils envisagent souvent un autre rapport au travail, plus mobile, moins carriériste, plus distant… La « qualité de la vie » et les relations humaines avec les amis ou avec les proches, prennent à leurs yeux plus d'importance, y compris avec les moins chanceux ou les plus vulnérables qui ne sont plus considérés comme des « loosers ».

 

Dans les domaines sociaux, économiques, éducatifs ou culturels, des luttes pour la reconnaissance coexistent avec des réalisations innovantes trop peu connues, à la recherche d'un développement durable dans l'économie sociale et solidaire, dans les réseaux d'échange, dans les systèmes coopératifs non marchands autour du Web, dans les SEL, etc… !

Dans le domaine politique, les critiques se multiplient sur l'écart entre les paroles publiques et les actes, le rôle stratégique de la société civile et des associations est mieux reconnu. De nouvelles formes de démocratie participative se cherchent. Des prises de conscience s'opèrent : pas de cohésion sociale possible sans une politique active du Logement, de la Santé, de la Protection Sociale, sans des services publics attentifs aux spécificités de chaque population, et notamment des plus démunies !

 

 

Conclusion : un appel à élargir le débat et à rassembler les énergies

 

Conscients de toutes ces transformations de la société qui se cherchent, les associations signataires appellent à ouvrir un espace civique où il serait débattu de la nature de la société que nous voulons laisser à nos enfants et du bonheur que nous leur souhaitons : cela passe par de nouveaux critères de développement, un nouveau modèle de croissance et de nouvelles priorités politiques et institutionnelles.

Un « pacte civique » (à construire d'ici l'échéance des futures campagnes présidentielles) pourrait rendre visibles les initiatives en cours  et les fédérer autour d'engagements, à la fois individuels et collectifs, qui porteraient sur une solidarité en acte à l'égard des plus démunis, sur un redéploiement et sans doute sur une modération de nos modes de consommation, mais aussi sur une stimulation de nos capacités relationnelles et culturelles, sur une prise en compte de notre vulnérabilité comme de notre responsabilité à l'égard de la société, de la planète et des générations futures !

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