QUATRIEME JOURNEE DE L'UNIVERSITE INTEGRALE
10 MARS 2009
AU FORUM 104, PARIS
INTRODUCTION, Michel Saloff-Coste
La crise que nous traversons est singulière car elle se situe au carrefour de trois dimensions : l'économique, le social et l'écologique ou les 3 axes du développement durable.
Pour la première fois, nous sommes confrontés à la limite de notre croissance et nous avons déjà consommé une part significative de nos ressources. Pouvons-nous continuer de croire à une croissance exponentielle dans un monde fini ? Pourtant le système capitaliste est basé sur la croissance. C'est un investissement sur la croissance future. Indubitablement, nous en touchons les limites.
Nous vivons aujourd'hui l'occasion historique de nous réinventer. Cette crise nous éveille et nous offre la possibilité de construire une nouvelle situation, de repenser notre mode de développement.
Si nous avons aujourd'hui la capacité de détruire 10 fois la planète, nous avons alors aussi la capacité d'en faire un jardin merveilleux. Et c'est cette possibilité que nous allons explorer tout au long de cette journée.
Intervention 1 : Regards prospectifs sur le monde avec Carine Dartiguepeyrou
Comment aller vers un nouveau paradigme
Tout d'abord, citons 3 sources documentaires pour nous aider à décrypter la crise systémique que nous traversons :
- Le rapport « The World in 2025 » sous la direction de Thierry Gaudin,
- La déclaration « L'Etat d'Urgence Mondial » et « Healing the Planet » d'Ervin Laszlo (2009)
- La thèse de Carine Dartiguepeyrou
Nous voici à l'aube du XXIème siècle confrontés à la résolution d'une équation bien particulière :
NM+IC+CU= ?
NM : Nouvelles Menaces, IC : Instabilité Critique et CU : Contexte Unique.
· « NM » comme Nouvelles Menaces :
Nous sommes confrontés à un certain nombre de nouvelles menaces dont les principales sont les suivantes : réchauffement climatique, épuisement des ressources, pollution de l'eau, baisse de la surface des terres arables, augmentation de la population, danger nucléaire.
· « IC » comme Instabilité Critique :
Nous approchons l'instabilité critique de plusieurs systèmes :
- Système financier et économique global à 80% PIB mondial profite à 1 milliards d'individus et 10% des plus riches disposent de 54% du revenu global,
- Système écologique à nous utilisons les ressources plus vite que leur renouvellement,
- Système énergétique global à d'ici à 2050, nos besoins énergétiques auront triplé, ce qui soulève de nouveau la problématique du nucléaire,
- Système d'alimentation global à nous assistons à l'augmentation radicale du prix des denrées alimentaires mondiales
- « CU » comme Contexte Unique
Nous évoluons au sein d'un contexte unique constitué de :
- Révolutions scientifiques,
- Explosion des technologies,
- Croissance démographique,
- Accroissement des inégalités,
NM+IC+CU = nécessité de transformation urgente !
Oui, mais, comment ? Quels sont les ingrédients nécessaires de cette transformation ?
En nous appuyant sur les travaux menés par Ervin Laszlo, nous pouvons en énoncer quelques-uns :
· Développer un jardin planétaire
· Reconstruire les économies et surtout la façon de comptabiliser cette économie et prendre en compte les intangibles (connaissance…),
· Définir un système de sécurité mondial,
· Favoriser la création de nouvelles formes de justice.
A cet effet, il est vital de soutenir l'émergence des nouveaux acteurs, à savoir :
· Les Culturels créatifs
· Les micro-entreprises, les entrepreneurs sociaux, les catalyseurs de la transformation en entreprise,
· Les communautés scientifiques et culturelles
· Les ONG dont le poids est en augmentation,
· Les acteurs bénévoles, les donateurs, et tous les systèmes d'échanges non monétaires et de troc.
Se pose alors la question du renouveau du rôle des Etats qui ont à se remettre eux aussi en cause pour une gouvernance mondiale.
Quelques recommandations émergent également :
· Des instances publiques qui donnent plus de priorité au social et à l'écologie,
· Changer nos mode pensées et croyances désuètes. Pour citer Einstein, « nous ne pouvons pas soigner la planète avec le même type de pensées que celles qui lui ont créé sa maladie ».
· Mettre en place dans les entreprises des pratiques responsables et des stratégies favorisant la durabilité et une meilleure production pour le plus grand nombre,
· Développer une nouvelle éthique.
C'est une véritable révolution que nous avons à opérer et quelques signaux nous indiquent que nous avons raison d'espérer :
· Nous assistons à l'émergence de nouvelles valeurs sociales : éthique, développement durable, responsabilité sociale,
· Une certaine forme d'économie à visage humain est en train de se développer,
· La société civile est de plus en plus impliquée,
· La mondialisation est aussi culturelle, éthique sociale,
· Une reconnaissance de la nécessité d'une Gouvernance mondiale est en train d'émerger,
· Il y a plus de richesse dans la diversité,
· La conscience des enjeux se fait plus grande, plus globale, plus intégrale.
Intervention 2, Jean-Eric AUBERT
Les crises. Pourquoi ? Comment en sortir ?
Jean-Eric AUBERT dispose d'une connaissance profonde de la dimension internationale pour avoir parcouru le monde pour l'ONU puis la Banque Mondiale afin d'aider les gouvernements à réfléchir sur les questions de développement.
· Les crises et leurs causes
Nous traversons une crise financière et à présent économique, conséquence d'une société construite sur un château de cartes de crédits.
Nous traversons également une crise écologique : réchauffement climatique, perte de la biodiversité et empreinte écologique considérable qui ne permet même pas le maintien des ressources sur la planète.
Nous sommes aussi confrontés à une crise sociale dont le principal symptôme est la montée des inégalités. Ces inégalités s'accroissent avec la mondialisation d'autant plus que la part des compétitifs dans la population est réduite et que le secteur des biens protégés (produits localement) réduits. L'accroissement des inégalités ne se cantonne plus au traditionnel nord-sud.
La conclusion est sans appel : aujourd'hui, notre développement n'est ni durable ni humain.
A l'origine de toutes ces crises : des déficiences éthiques considérables et intergénérationnelles car demain, ce sont nos enfants qui paieront nos manquements (terre exsangue, dettes…)
· Les 4 scénarii possibles de la sortie de crise:
Scénario de reprise en V ou W (chute puis sortie) avec un redémarrage en 2010-2011. Probabilité : 20%
Scénario de reprise en U : reprise plus tardive suite à des années de stagnation. Probabilité: 40%
Scénario de croissance en L : croissance bloquée pour longtemps (type croissance japonaise où les individus n'éprouvent plus le besoin de consommer du fait de différents facteurs) Probabilité : 30%
Scénario de croissance en I : chute catastrophique suite à panique. Probabilité : 10%
(% établis par Jean-Eric Aubert)
· Réponses actuelles des gouvernements à la crise
- Tentative de consolider les systèmes bancaires. Or nous sommes confrontés à un énorme problème d'opacité : nous sommes incapables d'évaluer la quantité de toxiques bancaires figurant encore au bilan des banques du fait du processus de titrisation,
- Sauvetage des institutions et des pays en faillite,
- Relance par la consommation et/ou les investissements dans les infrastructures,
- Pour quelques pays audacieux comme la Finlande, investissements massifs dans la Recherche et Développement.
· Comment les différents pays résistent-ils aux crises ?
- Etats-Unis : compte-tenu de sa culture entrepreneuriale et de ses coûts fixes bien inférieurs à ceux de l'Europe, les Etats-Unis disposent d'une bonne capacité de rebondissement. Néanmoins, la dislocation sociale en cours du fait de la crise (on note par exemple une recrudescence d'achats d'armes) est susceptible d'entraver cette capacité à rebondir.
- Pour l'Europe, la situation est très variable d'un pays à l'autre. La Scandinavie et la Finlande en particulier jouissent d'une grande capacité de résilience du fait de leur sens profond du Collectif. L'Angleterre soulève les mêmes questions que les Etats-Unis. En Russie, les mécanismes communautaires fonctionnent et permettent de redistribuer les richesses même si cela reste très chaotique En revanche la situation est plus tendue pour les pays latins, fragilisés par leur esprit corporatiste qui s'exacerbe en temps de crise et leur forte dépendance vis-à-vis de l'Etat. Ces blocages pourraient déboucher à terme sur des situations à la limite de la guerre civile.
- En Asie, la Chine pose un véritable souci car c'est un pays qui tient grâce à un pouvoir fort. La chute de ce pouvoir laisse entrevoir la réapparition des révolutions. L'Inde semble plus solide grâce à sa culture d'acceptation du réel qui lui confère une résilience morale forte.
- On s'attend en Afrique à une forte poussée de la mortalité, à un accroissement de la pauvreté et à une montée de la violence. D'autre part, les réformes sur la Gouvernance inspirées par l'Occident sont actuellement remises en cause, du fait de la crise.
- Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, il faudrait créer plus de 50 millions d'emplois pour permettre aux jeunes de travailler, ce qui semble compromis par la crise.
- En Amérique Latine, il existe de bonnes capacités locales de résilience.
Le niveau de résilience des pays à la crise est intimement lié au niveau d'autonomie des populations : moins les populations sont autonomes, plus le risque de dislocation et de guerre civile est élevé.
· Et demain?
- On s'attend à l'émergence de nouvelles monnaies et au retour du troc,
- Les valeurs de solidarité et de frugalité devraient se développer,
- De nouveaux indicateurs, prenant en compte toute la dimension de l'entreprise et pas uniquement inféodés à sa valeur boursière sont à inventer. Ils permettront l'émergence de nouvelles démarches d'évaluation des entreprises prenant également en compte les volets sociaux et écologiques.
Un certain nombre de conditions pour un changement humain et durable peuvent d'ores et déjà être citées :
- Accepter l'innovation qui permet de sortir des crises,
- Développer l'éthique pour ne pas déclencher de nouvelles crises,
- Prendre en compte les spécificités culturelles et mentales des peuples,
- Créer des réseaux et des espaces de négociations,
- A l'image de la Chine, mettre en place des pilotes avant d'entamer des réformes globales.
Intervention 3, Patrick Viveret
Le Nouvel Imaginaire Politique
Membre de la Commissions des Comptes « Nouveaux Facteurs de richesses », « reconsidérer la richesse »
La démesure est au cœur de nos crises : crise écologique, crise sociale, crise financière avec le découplage fort de l'économie spéculative et de l'économie réelle. Elle est également présente dans les rapports au pouvoir, créant un mouvement pendulaire entre le tout marchand et le tout dirigiste.
La démesure fonctionne de paire avec le mal-être et ce couple, démesure et mal être est fondamental dans les différents aspects des crises que nous traversons et dans l'effondrement de la forme dominante du monde contemporain.
Il est urgent de travailler la stratégie positive à savoir l'articulation entre sobriété et mieux-être ou l'art de vivre à la bonne heure.
Sur quelles forces s'appuyer pour mettre en œuvre ces forces de sobriété heureuse ?
1) Rappeler à quel point la démesure est au cœur de la crise, qu'elle soit écologique, sociale avec le creusement des inégalités ou économique avec le décalage abyssal entre économie spéculative et réelle : sur les 3000 milliards de dollars échangés quotidiennement, le réel représente moins de 3% des flux monétaires. Ce différentiel reflète une économie émotionnelle où deux seuls sentiments existent : l'euphorie ou la panique. Nous sommes loin de la théorie des arbitrages rationnels. Osons le dire : nos arbitrages ont une forme maniaco-dépressive avec de fortes amplitudes émotionnelles pouvant conduire à la folie ou au suicide (cf. Wall Street). On peut même affirmer qu'une forme de maladie mentale est au cœur de notre système financier lui-même. Autre facette de la démesure : l'indicateur PIB et «l'index de santé sociale », calculé depuis 1959. On observe des découplages importants dans certains pays et en particulier aux Etats-Unis depuis Reagan et l'entrée dans la dérégulation.
2) Derrière la question de la démesure, il y a du mal être et de la maltraitance. Le rapport du CNUD de 1998 montre que les budgets les plus vitaux de l'humanité (l'alimentation, l'accès à l'eau et les soins de base) sont tout à fait gérables : nous disposons de tous les moyens techniques utiles et le financement en est simple puisque les sommes nécessaires représentent à peine le 10eme des sommes dépensées dans l'économie des stupéfiants, le militaire ou encore, la publicité ! En gros, le transfert d'à peine 10% des dépenses liées à du mal être (drogue, armes, surconsommation) et générant de la maltraitance permettrait à l'humanité de manger, boire et se soigner !
à La stratégie positive, c'est l'articulation de la question de la mesure (contraire de l'obsession quantitative), de la pleine acceptation des limites et de la question du « mieux vivre » que le Forum Social de Belém a positionné comme un objectif stratégique central pour l'humanité et les biens communs de l'humanité.
Nous fonctionnons depuis des siècles autour de l'articulation suivante : rareté+peur du manque = production en réponse et quantification pour étalonnage. Or cette articulation est à présent obsolète. Elle nous entraîne dans l'abondance excessive et non plus dans la réponse à nos besoins. Or l'abondance ne peut fonctionner qu'avec des êtres structurés car sinon, elle est source de vertige, d'angoisse et d'effondrement. Keynes en 1930 déclarait que nous ne vivions pas une crise économique mais une crise de l'économie, toutes nos forces ayant été mises sur la rareté, générant ainsi l'abondance. Aussi, pour lui, il était urgent que notre culture mute à son tour pour s'approprier le concept d'abondance au risque d'aller vers une dépression nerveuse culturelle collective. Nous n'avons visiblement pas opéré cette mutation.
Nous vivons donc dans la société de l'abondance mais nous ne savons pas vivre, gérer l'abondance. De plus, la joie de vivre n'est pas du côté de la possession mais de la gratuité. Pour reprendre Gandhi, il y a assez sur la planète pour nous satisfaire tous mais pas pour satisfaire notre désir de possession…
Interrogeons-nous. Derrière nos désirs de possession, que ce soit possession matérielle (argent, biens) ou sociale (pouvoir, statut, savoir, connaissances), que cachons-nous ? Tout simplement la peur. Plus précisément, la peur de mourir. Pourtant la mort est imparable. Il nous faut donc nous tourner du côté de la vie et la vraie question que nous devons nous poser concerne notre vie et ce que nous en faisons. Quelle est notre audace de vie ? Quelle est l'intensité, la qualité de notre vie ? En quoi accédons-nous pleinement à notre potentiel d'humanité ? Qu'est-ce qui compte vraiment dans notre vie ? Quel est l'autre rapport à la richesse et au pouvoir ?
Intervention 4 : Edgard Morin
La crise économique que nous traversons dans son caractère aigu ne doit pas masquer que nous vivons un ensemble de crises. Cet ensemble de crises comprend :
- La crise de la biosphère,
- La crise des sociétés traditionnelles désintégrées par la mondialisation, l'occidentalisation, la modernisation, créant d'énormes masses de misères et de classes moyennes à notre image. La pauvreté peut être digne (celle du paysan maître de sa terre et autonome), ce qui n'est pas le cas de la misère (paysan en bidonville, prolétarisé, méprisé). Aujourd'hui la misère chasse la pauvreté et on la voit s'installer jusqu'en France
- La crise démographique. Les réalités sont moins catastrophiques que les prédictions. Mais la bombe est ailleurs. Avec les nouvelles misères, il y a augmentation des candidats à l'immigration ce qui renforce xénophobie et racisme.
- La crise de la solution ou de l'occidentalisation. Le bien être matériel a déclenché un mal être psychologique et moral profonds, masqués par l'indicateur du taux de croissance. Notre civilisation sécrète ses propres intoxications. Le consumérisme, l'automobile…. entretenues par la publicité entre autres et contre lesquelles les politiques sont impuissantes.
Cet ensemble de crises encore masquées va certainement s'aggraver pour constituer la crise de l'humanité qui n'arrive pas à se constituer comme Humanité.
Or quand le futur est incertain et le présent angoissant, le passé prend sa revanche car il rassure. Et c'est ainsi que l'on assiste au retour à la communauté ethnique, ce qui en soit n'est pas une mauvaise chose car tout est devenu inter dépendant et solidaire, créant une communauté de destin de fait. Et c'est la conscience de cette communauté de destin où la terre devient patrie qui peut nous amener à trouver des solutions.
L'humanité est ainsi sommée de survivre ou de périr.
Les bases d'une « société monde » sont là :
à Existence d'instances légitimes internationales comme l'ONU,
à La conscience du destin commun est en cours,
à Le maillage de communication est en place,
à Mais l'économie n'est pas encore régulée.
Pendant 150.000, l'histoire de l'homme est une histoire d'empires qui se forment et qui s'écroulent. Au cours du XXème siècle, nous avons développé nos capacités meurtrières au point que demain, notre histoire peut être mortelle. Nous avons donc l'obligation aujourd'hui de développer une « société monde » pour créer une métahistoire et vivre. Quelque chose doit mourir pour renaitre…
Dans la crise actuelle, notre probabilité de survie est minime. Mais gardons à l'esprit qu'une probabilité n'est que la projection du courant actuel. Or l'improbable peut aussi arriver. A l'image de la petite flotte grecque écrasant la Perse permettant ainsi la naissance démocratie et philosophie…
Travaillons donc pour l'improbable! Cette voie doit conduire à une métamorphose. Car quand un système ne peut traiter ses problèmes vitaux et fondamentaux, ce système régresse mais il dispose aussi des forces pour créer un méta-système et se métamorphoser. Telle la chenille dont la destruction est nécessaire à la naissance d'un être totalement différent mais qui est aussi le même !
Allons chercher les voies qui vont nous aider à la métamorphose. Regardons les raisons d'espérer :
- L'improbable maintes fois révélé. Rappelons-nous l'écroulement en quelques jours seulement de l'empire nazi.
- L'imprévu à l'œuvre avec par exemple Obama, devenu candidat des démocrates puis Président, faisant surgir une nouvelle Amérique dont nous avions tout à désespérer
- Citons Euripide : « Ce qui était attendu n'arrive pas, mais un Dieu malin fait arriver l'inattendu »).
- Enfin, comptons sur les potentialités créatrices de l'Humanité même si, domestiquées par le système d'éducation de la société, ces capacités créatrices sont anesthésiées. Car cette crise est à même de les réveiller, nous permettant de chercher la voie.
Nous avons besoin de réformes économiques nationales et internationales, de réformes sociales pour revitaliser nos sociétés et faire resurgir la solidarité, de réformes cognitives pour cesser la fragmentation des savoirs qui nous empêche d'affronter la complexité du monde en tant qu'individu et citoyen du monde et pour refaire communiquer les savoirs. Citons Rousseau dans Emile « Je veux lui apprendre à vivre ». Nous avons besoin de réforme de vie pour vivre poétiquement dans l'effusion, dans l'amour, dans la communauté et non dans la survie. Nous avons besoin de réformes éthiques car l'hyper-individualisme atrophie en nous notre potentiel altruiste et solidaire au profit de l'égocentrisme.
Toutes ces réformes sont interdépendantes. Elles doivent surgir toutes ensembles. Sinon, rien ne viendra. A l'image de la Russie de 1917 qui a détruit tout ce qui risquait d'entraver une vie harmonieuse mais n'a rien traité, rien transformé en profondeur permettant le fleurissement de la corruption et faisant revenir en force ce qui avait été chassé : la religion et le capitalisme effréné. Tout doit changer à la fois.
Tout a commencé mais nous ne le savons pas. Preuve en est, toutes ces initiatives locales pour faire revivre des lieux, des sites… et qui existent partout dans le monde mais s'ignorent les unes des autres, et que les partis politiques, les gouvernements ignorent également.
Il est temps de relier ce qui est dispersé. Tout est épars, séparé, disloqué. Il faut relier, relier, relier. Et pour cela, il n'y a que les hommes et les femmes de bonne volonté. Et non une classe particulière…. Relier, c'est la voie qui nous conduira vers la métamorphose.
Dialogues et débat suite aux interventions de la matinée
Des questions…
· Qu'est-ce qui est en notre pouvoir en tant qu'individu ?
· Qu'est-ce qui ne l'est pas et nécessite discussion ?
· Qu'est-ce qui reste à débusquer ? Exemple : la pollution par l'information.
· La Méta-culture est-elle une bonne idée ?
· Peut-on s'en sortir sans devenir les Etats-Unis de la Terre ?
· La relience à la Nature, aux animaux est une nécessité, comment la développer ?
· Quel doit être le rôle actif de l'art dans cette transformation ?
· Notre cerveau est-il capable de relier ? Selon Ken Wilber, 1% de la population en a la capacité et 5% le pouvoir ?
· Qu'en est-il de l'idée d'un tronc commun scolaire international pour aider au dialogue des dirigeants ?
Et des réponses…
· Devenions les pionniers du vivant ou « Bionniers ». Allons explorer le vivant, allons dans de nouveaux territoires où l'on trouve des créatifs émergents qui réinventent une façon de vivre. Faisons l'inventaire du vivant et non plus des crises. Répertorions toutes les nouvelles façons de vivre.
Ÿ Pour relier nous devons relever 3 défis :
- Relier entre eux les nombreux sous-systèmes reliant des groupes, des associations et qui fonctionnent chacun sur leur propre logique,
- Créer du dialogue entre des personnes qui s'expriment avec leur propre langage/concept,
- Créer l'indépendance financière.
Ÿ Notre civilisation a imposé la dominance de notre cerveau masculin analytique dont la caractéristique est de séparer. Mais il est essentiel de développer également la partie féminine de notre cerveau pour fonctionner avec ces deux. Et nous en avons la capacité, le cerveau étant très plastique.
Ÿ La complexité, c'est le défi de la connaissance et non la réponse. Relier n'est pas uniquement juxtaposer. C'est l'union de la complexité et de la simplicité, tel le baiser tellement simple à déposer mais tellement complexe dans sa symbolique d'union physique et spirituelle. Or cette complexité portée par le baiser, nous la laissons de côté quand nous embrassons.
Ÿ En tant qu'individu, là où nous sommes, nous pouvons nous mobiliser sur de grands projets qui par leur simple existence relient. Comme par exemple un grand plan de rénovation des banlieues qui dans sa mise en œuvre permettrait de relier le fonctionnaire, les artistes, architectes, habitants…
Ÿ Il est nécessaire de créer des alliances «bionnières » ou coopérateurs ludiques, pour se donner de la force de vie et de la joie et se découvrir nombreux. Rassemblons-nous autour projets NANOUB (Nous Allons Nous Faire Du Bien). Echangeons nos savoirs et nos expériences sur tout ce qui est susceptible de nous donner du bien être et nous éviter du mal être pour devenir le changement que nous proposons. Donnons-nous mutuellement de la force de vie et de la joie. N'attendons pas que les propositions que nous faisons soient réalisées pour les expérimenter. Au lieu d'être obsédé par le pouvoir, prenons-le, par l'argent, créons de nouveaux moyens … Portons le « Yes We Can » mondial. Soyons des résonateurs et portons la démarche à notre niveau.
La crise… les crises
Pourquoi et comment s'y préparer ?
Atelier
Comment se préparer soi-même ou sa communauté proche à la crise ?
Risques | Opportunités | |
Sens spirituel | Participant 1 | Participant 4 |
Emotionnel/Relationnel | Participant 2 | Participant 5 |
Matériel/Physique | Participant 3 | Participant 6 |
Etape 1
Par groupe de 8 – Discussion pendant 20 mn avec 1 animateur risques et 1 animateur opportunités – Les autres participants se numérotent de 1 à 6.
Etape 2
Regroupement par thématique (1-2-3-4-5-6) encadré par l'animateur correspondant (Risques/Opportunités) pour partage et synthèse
Etape 3
Restitution.
Gpe 1 – Risques & Sens et spirituel
Ÿ Renforcement du mode tribal et communautaire, activation de l'intégrisme et du fondamentalisme.
Ÿ Perte des repères et de la foi et développement d'une foire spirituelle, d'un marché au guru.
Ÿ Montée de l'angoisse face à la mort, suicide et égarement.
Ÿ Empoisonnement de la pensée.
Ÿ Spirale dépressive.
Ÿ Coupure : perte de lien avec l'environnement, le vivant. Isolement.
Ÿ Réduction de la notion de temporalité au très court-terme et survie.
Gpe 6 – Opportunités & Sens spirituel
Ÿ La crise comme opportunité pour une ouverture à son propre potentiel et l'ouverture à un mouvement collectif.
Ÿ Sursaut intellectuel : remise en question, lâcher prise.
Ÿ Développement de la conscience : relience, unité à la terre, lien conscience individuelle et collective.
Ÿ Nouvelles pratiques : co-création, nouvelles pratiques corporelles, développement de la gratitude…
Ÿ La crise considérée comme un moteur, un évènement qui nous révèle.
Groupe 2 – Risques & Emotionnel/Relationnel
Ÿ Identifier les risques pour mettre une réalité à la peur qu'ils nous génèrent. Ainsi, nous pouvons diagnostiquer l'origine de nos peurs et ainsi leur donner une juste place, les expérimenter, les vivre pour mieux aller à la rencontre de l'inconnu.
Ÿ Nécessité d'agir : tendre les mains, sourire, développer la confiance, partager, donner une place à l'art et la culture, communiquer, se dire qu'on s'aime, construire des groupes de paroles.
Groupe 5 – Opportunités & Emotionnel/Relationnel
Ÿ Mettre l'émotionnel de l'homme au centre pour accepter les émotions et notre sensibilité. Développer pour cela l'offre sur le travail sur soi. En faire une offre gratuite et bénévole. Aller à la rencontre en banlieue, etc.….
Ÿ Travailler sur l'accompagnement à la mort pour dépasser la peur de la mort et accepter d'être en situation de risque.
Ÿ Développer le versant joie et célébration. Se promener, prendre plaisir. Renouer avec les actes simples et humbles de la vie quotidienne. Face à la perte, faire le deuil, accepter et faire avec.
Ÿ Développer des réseaux de solidarité, d'amis… Ne plus accepter les relations sociales…
Ÿ Retourner au réel et arrêter la dramatisation émotionnelle des média.
Ÿ Transformer le rapport à soi : vivre plus dans l'instant présent. Mieux gérer notre temps, se libérer et oser rêver faire la sieste. Se transmuter par l'art et créativité. Faire du développement personnel. Former les psys à la crise et jeter sa télé.
Ÿ Transformer le rapport à l'autre : aller plus vers l'autre avec plus d'authenticité et d'humilité. Développer le don, le partage, l'échange. Apprendre la communication non violente. Parler pour transcender les peurs.
Ÿ Transformer le rapport au collectif. Développer la co-création. Apprendre à s'organiser collectivement.
Groupe 3 : Risques & Matériel
Ÿ Regarder en face la complexification de tout le processus : faillite de l'Etat, pollution…
Ÿ Avec fin de l'abondance, risque de misérabilisme et d'exploitation de cette tendance.
Ÿ Développement de la pauvreté et des instincts de survie primaires difficilement maîtrisables.
Ÿ Accroissement de la dépendance vis-à-vis de certains pays (ex : la Chine sur les produits manufacturés)
Ÿ Exode excessif : guerre civile et sécurité
Ÿ Rupture avec la nature (80% de citadins dans le monde)
Ÿ Catastrophe écologique et pollution excessive
Groupe 6 : Opportunités & Matériel
Ÿ Agir dans son quartier : organiser des échanges, troquer, partager, voire développer son propre jardin, mieux acheter (produits qui durent)
Ÿ Redévelopper le faire-ensemble : bricoler, jardiner… Partager des savoir-faire localement. Co-créer, co-former, innover.
Ÿ Rejoindre la sobriété heureuse, apprendre à différencier le nécessaire du superflu, moins consommer, mieux recycler.
Ÿ Développer un nouveau système d'échanges.
Ÿ Favoriser le localisme.
Ÿ Reconsidérer le matériel comme précieux et non plus jetable.
Ÿ Revenir à l'amour de la terre et de ce qu'elle nous donne.
Ÿ Prendre le temps : soin du corps, sieste…
Intervention n°5, Thierry Gaudin
Face à un écosystème endommagé, nous nous posons nécessairement des questions et en particulier sur la vie, ce que cela signifie et ce que nous y faisons, nous.
Au néolithique, avec l'agriculture, la biodiversité à été divisée par 100. Avec l'industrialisation, elle a encore été divisée par 100 donc par 10000 par rapport au néolithique. Ce qui signifie que l'espérance de vie de beaucoup d'espèces ne se compte plus en millions d'années à présent, mais en siècles.
Pour les premiers poly cellulaires, il faut attendre 1 milliards d'années avec reconnaissance mutuelle et coopération. La vie n'est pas faite de matière mais d'échanges d'informations traversés par la matière. La matière passe, l'identité reste.
Grandes inventions de la nature : système nerveux, musique, danse, parole, vision et maintenant un système nerveux planétaire dont on ne sait pas ce qu'il va être.
La mort cellulaire (voir la sculpture du vivant) : il y a un processus d'autodestruction des cellules. Celui-ci se met en place quand la cellule ne reçoit plus de messages de la part des cellules voisines. C'est une auto-dilution par non communication. Nous perdons ainsi 1kg de cellules par jour que nous régénérons quotidiennement.
Selon Sri Aurobindo, une évolution de la conscience s'est produite dans la nature. Pour Dallale l'humain n'est que la suite logique de cette conscience. Or cette coopération semble contrée par le « struggle for life » de Darwin qui a inspiré nombre de nos croyances sur la vie.
Notre fonctionnement est toujours en mouvement. Si le mouvement stoppe, c'est que le sujet est décédé. C'est le mouvement qui crée le fixe et non le fixe qui crée le mouvement.
Nous n'accordons d'existence aux objets que parce que nous tournons autour et nous construisons une image mentale qui nous permet de prévoir ce qui se passera par anticipation (Piaget). Conséquence : nous n'avons pas choisi ce que nous croyons.
Pour sauver la nature, il faut vivre avec la nature. C'est le projet de jardin planétaire. Voir biosphère 2 (1991-1993) : 2800 espèces végétales et animales qui n'ont pu se stabiliser.
Controverse Valladolid aujourd'hui peut s'appliquer aux animaux: les animaux, les êtres vivants en général ont-ils une âme ?
3 milliards d'années pour passer du cueilleur au sédentaire
30 000 ans pour passer du sédentaire à l'industriel
3 siècles pour passer de l'industriel à la technologie
Intervention 5, Gérard Schung
Un éclairage de praticien de l'entreprise sur cette journée.
Premier mot : « relier »
La crise financière, mise sur le devant de la scène, est parfaitement expliquée. Or on s'aperçoit que chaque carence, chaque dysfonctionnement a été analysé préalablement à son avènement. Ce qui n'a pas été fait, c'est de relier ces évènements entre eux, ce qui aurait permis de prévoir et d'anticiper cette crise.
Aujourd'hui, nous disposons de toutes les solutions pour que cela ne se reproduise pas.
Aussi en soi la crise financière ne remettra pas en cause notre modèle de société. Plus préoccupante, plus grave est la crise sociétale.
Avant crise financière, on déclarait « le monde n'a jamais créé autant de richesses ». Et pourtant, chaque année, 9 millions de personnes mourraient de faim.
Nous pointons la crise financière, pourtant, la crise mère est la crise environnementale. Et des choses improbables vont surgir :
1) Les paysans. Début XX, 70% aujourd'hui 2%. Le paysan nouveau est l'entrepreneur nouveau et la valorisation des agro-ressources va permettre leur essor.
2) Explosion du mythe de l'immatérialité des services. Car pour le produire il faut des infrastructures, etc.… Donc cette part pourrait diminuer.
Que font les entreprises ?
Les grandes entreprises depuis 2000, partent d'une page blanche : le rapport de développement durable. Certaines ont intégré cette préoccupation dans l'opérationnel et les plus avancées s'en sont servi pour redéfinir leur business modèle.
Les PME représentent encore un secteur à défricher. C'est un mouvement totalement émergent. Il est nécessaire d'aider le monde des PME à s'intéresser à la RSE.
Si les acteurs économiques ne s'investissent pas massivement dans cette logique de développement durable et de RSE alors la chrysalide ne deviendra pas papillon.
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