Gérard Schoun
Une crise protéiforme
La dernière à occuper le champ médiatique est la crise financière qui a éclaté au second semestre 2008. Elle a, depuis, fait l'objet de nombreuses analyses. Les causes sont connues et nombreuses : bulle de crédit, globalisation des flux financiers, effets de levier, réglementation, hedge funds, nouvelles normes comptables, titrisation, bonus,…
Cette crise financière a été plutôt bien gérée par les gouvernements. Il n'y a pas eu d'implosion de la finance internationale. Pour autant, ses conséquences marqueront le paysage économique pendant plusieurs années au travers des faillites industrielles à venir et de la contagion à l'économie réelle.
Des pistes, relativement simples à mettre en oeuvre, pourraient permettre d'éviter une telle crise à l'avenir : limiter les effets de levier, élargir la réglementation, revenir à des normes comptables plus adaptées, spécialiser les établissements bancaires, encadrer la vente à découvert, mettre en place des systèmes de rémunération favorisant le long terme…
Ainsi la crise financière impose un renforcement drastique des régulations mais ne met pas fondamentalement en cause notre modèle de société.
Encore faut-il souligner que les pays occidentaux rassemblent des nantis au regard de ce qui se passe ailleurs. Si le monde n'a jamais créé autant de richesses, le nombre d'exclus n'a jamais été aussi important. 850 millions de personnes souffrent de la faim, 9 millions en meurt chaque année, près d'un tiers de la population est touchée par la malnutrition (5 millions d'enfants en meurt chaque année). Le commerce équitable, le micro-crédit sont des notions encore émergentes qui permettent d'aménager notre modèle de société, mais est-ce vraiment à la hauteur des enjeux ?
La crise environnementale est la mère des crises. Le réchauffement climatiquement menace notre existence même. L'american way of life, s'il se propager au reste du monde, consommerait 9 planètes. Les atermoiements ne sont plus de mise. Cette crise impose une révolution économique et écologique qui transformera la société.
Il fallait 200 heures de travail pour produire un quintal de blé de l'an 1000 jusqu'au 18ème siècle, 30 vers 1950, 2.5 aujourd'hui grâce à l'agriculture intensive mécanisée. Ce progrès est trompeur car, en réalité, il ne s'agit plus du même quintal. Le blé moderne est issu d'une agriculture qui génère des externalités négatives (substitution du pétrole au travail, pesticides, transport…) dont le coût, s'il était pris en compte dans le prix de revient, ferait, affirment certains économistes, baisser de moitié la productivité « corrigée ». On ne peut plus exclure l'hypothèse, invraisemblable il y a encore quelques années, que l'emploi et la part d'une l'agriculture durable dans le PIB pourrait recommencer à croître. Le mouvement sera favorisé par la valorisation des agro-ressources (tous les composants des plantes non utilisables pour l'alimentation) qui permet de générer de nouveaux procédés de fabrication du type bio-raffinerie et d'inventer de nouveaux produits innovants, renouvelables et respectueux de l'environnement.
L'immatérialité des services est un leurre. Les bilans carbone réalisés selon la méthodologie de l'ADEME le démontrent. Le déplacement des personnes, les espaces de relation, les outils techniques d'appui à la relation constituent des composantes matérielles nécessitant d'importantes ressources (stock pour les infrastructures et flux pour l'entretien). Pour reprendre les propos d'un expert, « la société de service s'appuyant sur un productivisme insoutenable dans les autres secteurs mais aussi parfois dans les services est sans le savoir une société anti-écologique, hyper industrielle et hypermatérielle ».
L'engagement des entreprises : de l'appropriation des intentions stratégiques aux actes opérationnels
Les grandes entreprises sont parties d'une feuille blanche au début des années 2000. Elles ont commencé par rédiger des déclarations d'intention pour parer au plus pressé et répondre aux attentes et critiques des parties prenantes (ONG notamment). En France, la loi NRE a favorisé cette prise de conscience.
Les entreprises les plus matures ont ensuite cherché à traduire le développement durable dans leurs différents métiers en veillant à l'appropriation par les opérationnels. Les plus avancées intègrent le DD dans la réflexion sur le business modèle.
L'engagement des grandes entreprises apparaît aujourd'hui fortement conditionné par l'appartenance à un secteur d'activité et/ou la focalisation sur l'un des piliers du DD et/ou la place du DD dans la stratégie.
Des PME commencent à intégrer la dimension DD de manière structurée dans leur stratégie et leurs pratiques managériales. Elles sont aujourd'hui les pionnières d'un mouvement qui devrait se généraliser. Le label LUCIE a précisément pour vocation d'identifier les entreprises qui démontrent un réel engagement en faveur du DD.
Les organisations candidates au label signent une charte affichant 7 engagements (en ligne avec les 7 questions centrales de la future norme internationale ISO 26 000 : questions relatives aux clients, environnement, bonnes pratiques des affaires, relations et conditions de travail, droits humains, engagement sociétal, gouvernance) et 28 principes d'action. Conçu en partenariat avec VIGEO, première agence européenne de la mesure de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, le référentiel d'évaluation est adossé aux textes (conventions, recommandations, principes directeurs…) élaborés par des organismes internationaux reconnus comme légitimes (ONU, OIT, OMS, OCDE, UE…) ce qui lui confère une opposabilité certaine. Un audit permet ensuite de mettre en exergue les accomplissements et les voies de progrès. Les conclusions de l'audit ainsi que les plans d'action proposés par les organisations pour justifier d'une maîtrise raisonnable des risques identifiés sont soumis à un Comité d'attribution constitué de personnalités indépendantes. Le Comité statue sur l'éligibilité au label.
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