vendredi 10 juin 2011

Fwd: L'Allemagne bouscule le dogme français de l'atome - Infos - GNY / lesechos.fr -SFEN Vdl


Objet : L'Allemagne bouscule le dogme français de l'atome - Infos - GNY / lesechos.fr -SFEN Vdl

 

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DE THIBAUT MADELIN

L'Allemagne bouscule le dogme français de l'atome

Das war's ! » Il n'a pas fallu vingt-quatre heures à Angela Merkel pour tirer les leçons de Fukushima. « C'est fini ! », a-t-elle déclaré à ses équipes le 12 mars, au lendemain du séisme et du tsunami qui ont entraîné la plus grosse catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl. Quelques mois après avoir décidé de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires allemandes, la chancelière a fait une volte-face qui sidère ses voisins français. Elle a estimé que le risque lié au nucléaire était soudain devenu inacceptable. Même s'il y a sans doute une part d'opportunisme politique et de précipitation dans son choix, on aurait tort de le tourner en dérision. A plus d'un titre, il pose même de sérieuses questions à la politique énergétique de la France et à ses acteurs industriels.

Docteur de chimie quantique, la chancelière allemande fait confiance aux statistiques. De ce point de vue, la catastrophe de Fukushima rebat considérablement les cartes, comme le reconnaît Jacques Repussard, directeur de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. « Sur le parc mondial, 14.000 années-réacteurs sont déjà passées et les statistiques montrent qu'on est à 0,0002 accident grave par an, soit vingt fois plus qu'attendu selon les études probabilistes, déclarait récemment au "Monde" cet éminent spécialiste... On peut se poser la question : l'homme est-il en mesure de maîtriser cette technologie pour diviser au moins par deux ce risque d'accident ? » Le Japon, troisième économie mondiale reconnue pour son savoir-faire technologique, n'y est pas parvenu. L'Allemagne, quatrième économie du globe, dont l'industrie fait référence, préfère renoncer et miser en priorité sur les énergies renouvelables. Sa décision se veut morale, mais aussi économique.

Grâce aux tests de résistance qu'elle va imposer à ses centrales et au retour d'expérience de la catastrophe de Fukushima, comme après celle de Three Mile Island en 1979, la France pense pouvoir parvenir à maîtriser le risque. Et se place elle aussi sur le terrain moral : contrairement au charbon ou au gaz, qui sont nécessaires pour compenser le caractère intermittent des énergies éolienne ou solaire, le nucléaire n'émet pas ou très peu de CO2. Il ne contribue donc pas directement au réchauffement climatique. Rejets ou déchets nucléaires contre gaz à effet de serre, l'arbitrage est délicat. Mais les énergies vont devoir aussi rivaliser sur le plan de la compétitivité.

Hier encore, Eric Besson, le ministre de l'Energie, assurait que, si la France devait sortir du nucléaire, cela lui coûterait « cher, très cher ». A en juger par les prévisions qui dominent le débat outre-Rhin, il a raison. Les estimations qui circulent sur le coût de la sortie du nucléaire vont de 30 à... 200 milliards d'euros. L'Agence allemande de l'énergie prévoit une hausse de 20 % pour les factures d'électricité des ménages dans les prochaines années et la Fédération allemande de l'industrie, BDI, redoute des augmentations de l'ordre de 30 %.

Mais dire que sortir du nucléaire coûte cher ne veut pas dire que le nucléaire est bon marché. En réalité, l'énergie atomique aurait même plutôt tendance à coûter de plus en plus cher. Fin 2008, EDF estimait que la prolongation de la durée d'exploitation de quarante à soixante ans de ses 58 réacteurs lui coûterait 400 millions d'euros par unité, soit 23 milliards d'euros pour l'ensemble du parc. Deux ans plus tard, l'électricien public portait la note globale à 35 milliards, et utilisait cet argument auprès des pouvoirs publics pour demander des dispositions entraînant des hausses de tarifs résidentiels de 28 % à 37 % en cinq ans - soit l'avantage concurrentiel des tarifs français actuels, par rapport à ceux qui sont pratiqués dans le reste de l'Europe. C'était avant Fukushima. Depuis, comme il l'a glissé en mai lors d'un dîner avec les anciens élèves de l'X, son patron, Henri Proglio, estime qu'EDF va investir de 40 à 50 milliards dans l'extension de la durée de vie des réacteurs. C'est sans compter les investissements dans les réseaux et les énergies renouvelables...

La question de la compétitivité se pose aussi, bien sûr, pour le nouveau nucléaire. Là aussi, les chiffres varient. Pour son projet d'EPR à Flamanville, EDF tablait à l'origine sur un budget de 3,3 milliards d'euros. Tenant compte des retards, il l'a porté fin 2008 à 4 milliards pour l'actualiser à 5 milliards d'euros l'été dernier. En Finlande, l'EPR construit par Areva a déjà coûté près du double du coût initialement annoncé de 3 milliards. Compte tenu des progrès observés sur le chantier de Taishan, le groupe présidé par Anne Lauvergeon estime en revanche pouvoir tenir ce type de budget en Chine. Mais les nouvelles normes imposées par Fukushima risquent à nouveau de faire gonfler la facture.

La filière française se veut sereine. Elle constate avec soulagement que la Chine, la Grande-Bretagne ou la République tchèque n'ont pas remis en cause leur programme nucléaire. Ces pays ont néanmoins annoncé un temps de réflexion avant de relancer la machine. Mais la France n'est plus seulement en concurrence avec la Russie, les Etats-Unis ou la Corée, qui a remporté fin 2009 le contrat historique d'Abu Dhabi. Cette fois, ses grands industriels seront confrontés à un nouveau rival de poids : l'Allemagne tout entière. Car il ne faut pas s'y tromper : en 2002, la sortie du nucléaire décidée par le gouvernement Schröder était assumée, mais n'avait pas vocation à convertir d'autres pays. Cette fois, pour emporter l'adhésion de l'industrie allemande, c'est un nouveau modèle énergétique qu'entend exporter Angela Merkel. Pour la chancelière, la sortie du nucléaire représente en effet des « opportunités gigantesques pour les générations futures ». Siemens, Bosch et bien d'autres, on peut en être sûr, sont prêts à relever le défi.


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